Le cyberespion russe espionné
Tel est espionné qui croyait cyberespionner. Un pirate, travaillant visiblement pour le gouvernement russe, a été identifié par les autorités géorgiennes, cible de ses attaques depuis mars 2011. Histoire de le faire savoir, la Géorgie a publié les photos du cyberespion.
C’est une histoire tirée d’un roman d’espionnage, plutôt à la mode OSS 117. Un État fabrique un logiciel espion, le lance sur sa cible, un autre État. Celui-ci s’en rend compte, dissèque ledit logiciel dans le plus grand secret. Il décide ensuite de piéger l’attaquant, y parvient. À la fin, il publie un rapport avec les photos du pirate ennemi, obtenues en entrant dans son ordinateur.
Fin de la fiction. L’histoire est réelle. Le rapport a été publié en anglais la semaine dernière par l’agence d’échange de données géorgienne. Il pointe la main de la Russie dans une cyberattaque importante contre la Géorgie découverte en mars 2011. “Un acte de cyberespionnage” écrit l’agence dans son rapport qui détaille le modus operandi sophistiqué de l’attaque.
Informations confidentielles
Première étape : des sites d’informations géorgiens sont piratés. Le script malveillant placé sur ces pages infecte les ordinateurs des visiteurs. La pêche aux “informations confidentielles et sensibles” peut commencer. Étape deux : les ordinateurs piratés sont criblés pour dénicher les précieuses informations qui sont renvoyées (c’est l’étape trois) vers un serveur distant. Malins, les artisans de l’attaque changent régulièrement l’adresse du serveur.
Non content d’obtenir ces documents – principalement word, powerpoint et pdf à propos des questions des relations avec les États-Unis ou l’Otan – les pirates peuvent avoir accès aux micros et caméra de l’ordinateur infecté. Des fonctionnalités sophistiquées, mais pas hors du commun à en croire le catalogue de certains marchands d’armes de surveillance…
390 ordinateurs ont été infectés détaille le rapport de l’agence géorgienne. Une immense majorité en Géorgie, et quelques 5% en Europe et en Amérique du Nord. Les autorités géorgiennes affirment avoir reçu l’aide de services étrangers (américains et allemands) ainsi que l’assistance de grandes entreprises comme la division cybersécurité de Microsoft. Une fois disséqué, le logiciel malveillant a permis de remonter à la source. Les autorités géorgiennes sont parvenues à identifier le pirate, et le prendre en photo avec sa webcam.
La moustache de Moscou
Pas peu fière, l’organisation chargée de la cybersécurité géorgienne raconte :
Nous avons trouvé un PC infecté dans notre lab, avons envoyé une fausse archive ZIP, intitulée “Georgian-Nato agreement’, qui contenait le virus. L’attaquant a dérobé cette archive et a exécuté le fichier malveillant. Nous avons maintenu le contrôle sur son PC, puis capturé une vidéo de lui, personnellement.
La prise est évidemment jointe au dossier : deux photos d’un homme moustachu, sans uniforme, dans ce qui ressemble à un appartement.
Pour la Géorgie, l’origine de l’attaque ne fait aucun doute : Moscou est derrière. Ce ne serait pas une première. Lors de la guerre entre les deux pays à l’été 2008, le Russie avait mené des cyberattaques concomitamment aux attaques sur le terrain. Le rapport ne manque pas de le rappeler, citant “deux organisations indépendantes américaines”. Les cyberattaquants avaient alors pu compter sur “certaines ressources” appartenant à l’Institut de recherche du ministère de la défense russe.
Illustration par Alvaro Tapia Hidalgo [CC-byncnd]
Photos tirées du rapport [PDF] Cyber Espionnage against Georgian government (DR)
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