Anonymous démasque la fachosphère

Le 8 février 2012

Le collectif informel Anonymous s'attaque à la fachosphère. En Allemagne, en France ou aux Etats-Unis, les hacktivistes piratent les sites d'extrême-droite, qui répliquent parfois en se réclamant de la même bannière.

Anonymous s’est lancé dans une nouvelle bataille, après le soutien symbolique aux révoltes arabes et les protestations contre la fermeture du site de téléchargement MegaUpload. Le collectif informel a attaqué des sites d’organisations d’extrême-droite en Europe et aux Etats-Unis. En France, l’opération Blitzkrieg a donné lieu à un curieux chassé-croisé. Les piratages de cinq sites d’extrême-droite et d’un site se réclamant anti-fasciste ont tous été revendiqués par des Anonymous.

Un message laissé sur antifasciste.info prétend que le site a été piraté et le contenu modifié (défacé) par les Anonymous. Ils auraient ainsi agi en représailles des actions menées contre les sites d’extrême-droite :

Début Janvier 2012, plusieurs sites appartenant à la mouvance d’extrême droite ont été piratés.
Ces actes ont été signés par Anonymous antifa ou Antifanonymous et n’ont aucun rapport avec notre mouvance.
Nous condamnons ces actes là. En agissant ainsi les script kiddies1 qui ont réussi à détourner des sites de débutant ont agit contre la liberté d’expression pour laquelle Anonymous se bat à travers le Monde et ne valent pas mieux que les dictatures qui exercent un pouvoir totalitaire et une censure sur l’opinion du peuple.

Une accusation étonnante au vue de l’éthique, certes fluctuante, du groupe éthéré et décentralisé que constituent les Anonymous. Le collectif n’a pas de colonne vertébrale, mais un socle de valeurs communes, au sommet duquel trône la liberté d’expression. Lors de l’opération contre les sites officiels des autorités iraniennes, de longues discussions avaient eu lieu pour déterminer si le site d’une agence de presse pouvait être pris pour cible. Celui-ci diffusait les photos de manifestants et appelait les lecteurs à la délation. Cet outrage le privait de sa qualité de média, qualité qui le prémunissait jusqu’alors des attaques des Anonymous.

Un label sans monopole

Iraient-ils jusqu’à défendre la liberté d’expression de sites de droite radicale ? Probablement pas, mais personne n’a le monopole du label Anonymous. Pour pallier les difficultés rencontrées, notamment dans les relations avec les médias, certains Anonymous ont structuré la prise de parole publique. Des règles sont à l’essai pour “réaliser des interviews dont les réponses sont écrites collectivement”, ce afin d’éviter “la course à l’échalote dans le choix des intervenants” lorsque les médias manifestent de l’intérêt.

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Reste qu’Anonymous, par définition, ne communique pas uniquement par ce biais. En réponse au prétendu défacement du site antifasciste.info, une vidéo a été brièvement mise en ligne. Sur La jeunesse emmerde le Front national des Bérurier Noir défilaient des images du parti d’extrême-droite français et des montages apposant le visage d’Hitler sur le corps de Marine Le Pen. La vidéo n’est plus accessible, car “c’était un pavé dans la marre” nous a expliqué la personne qui a posté la vidéo.

Le blog Fafwatch, connu pour surveiller et parfois révéler des informations personnelles sur des militants d’extrême-droite, s’est fait l’écho d’une autre interprétation. Un article paru sur le blog affirme que le site antifasciste.info appartient au Groupe Union Défense (GUD), un mouvement d’extrême-droite. Ils auraient procédé à un faux défacement du site pour prétendre que les Anonymous étaient de leur côté. Au terme de recherches en ligne approfondies, Fafwatch affirme avoir identifié l’auteur du piratage de antifasciste.info et qu’il s’agit bien d’un militant d’extrême-droite, irrité par l’opération Lyon Propre lancée en janvier contre la fachosphère française.

#OpBlitzkrieg

Le 14 janvier, la “Jeunesse nationaliste” avait défilé à Lyon derrière Alexandre Gabriac, exclu du FN pour avoir posé faisant le salut nazi, et Yvan Benedetti, chef du groupuscule d’extrême-droite “Oeuvre française”. Cinq sites de la fachosphère sont alors pris pour cibles par les Anonymous : oeuvrefrançaise.com, six-fevrier.com, yvan-benedetti.fr, jeune-nation.com et la-flamme.fr. Comme à l’accoutumé, une vidéo est mise en ligne pour revendiquer, signer et donner quelques informations supplémentaires sur l’opération.

Le dernier coup d’éclat en date fut le piratage du compte email de Steven Bissuel, chef de la section lyonnaise du GUD. Parmi les documents figurent le compte-rendu d’une réunion interne qui confirme l’existence d’une branche étudiante, l’Union défense de la jeunesse. “Le combat nationaliste” détaille la liste des bonnes actions qu’un militant du GUD se doit d’effectuer chaque jour.

En Allemagne aussi, l’extrême-droite s’est fait déshabiller par les Anonymous, associant attaques par déni de service (saturation des serveurs sous les requêtes) et piratages de données, publiées ensuite sur des plateformes. Nommée avec ironie #OpBlitzkrieg, elle consistait à mettre hors-ligne puis récupérer et faire fuiter des données sur la blogosphère néo-nazie allemande. Des informations embarrassantes pour le parti d’extrême-droite allemand, le NPD, avait ainsi circulé : leur liste de donateurs, des emails internes, les identités de clients de boutiques néo-nazies entre autres.

Aux Etats-Unis, le collectif de hackers a découvert des liens entre le candidat à l’investiture républicaine Ron Paul et un réseau suprématiste blanc. Un portail permettant de faire des recherches par mot-clés dans les documents récupérés a été mis en ligne.


Illustration CC par Loguy pour Owni

  1. Terme péjoratif qui désigne les adolescents néophytes piratant des sites en bidouillant les scripts existant, NDLR []

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