L’UMP dégrade la laïcité

Le 5 avril 2011

L'UMP, sous mauvaise influence, maraboute la laïcité. Des conseillers en communication venus de l'extrême droite, désormais proches de l'UMP, soutiennent Jean-François Copé.

Les sorciers de l’UMP électrisent la laïcité. La convention organisée ce mardi par le secrétaire général du parti Jean-François Copé propose 26 nouvelles règles pour redéfinir la notion. Officiellement, l’initiative ne consiste pas à planifier la dissolution de l’islam dans la République. La vieille France d’inspiration catholique n’éprouverait aucune méfiance de principe à l’égard d’une France plus jeune, originaire du Maghreb et influencée par la culture musulmane. Mais en coulisses, les communicants de l’UMP que nous avons interrogés ne cachent pas le véritable enjeu du débat.

Bien sûr en France les prières de rues sont très rares. Mais regardez sur Dailymotion le nombre de clics pour regarder ces mêmes images de prières de rues. La laïcité est incontestablement un problème en France. Et d’ailleurs, chaque jour l’actualité nous le rappelle, à travers les problèmes posés par les horaires de piscine ou les menus halals. C’est ce qui rend cette convention très légitime.

Cette puissante analyse est signée Guillaume Peltier ; un conseiller en communication venu de l’extrême droite et qui gravite dans l’entourage de Jean-François Copé. Autrefois au Front National puis au MPF, Guillaume Peltier assurait les fonctions de porte-parole de Philippe de Villiers lors de la présidentielle de 2007. Avant de se rapprocher de l’UMP. Lors d’un entretien avec OWNI, il a évoqué ses relations de travail et d’amitiés avec Bastien Millot. Ce dernier, ancien proche collaborateur de Jean-François Copé (ex-directeur de cabinet et ex-assistant parlementaire), ne participe plus officiellement, depuis 2009, aux travaux de l’UMP. Il développe une agence de communication basée dans l’Aisne et anime une chronique sur Europe 1. Guillaume Peltier quant à lui gère une agence en communication installée à Tours, Com1 Plus, vendant aux décideurs politiques et aux médias des analyses sur les sentiments des Français (par le biais notamment de son site La lettre de l’opinion).

Aux yeux des dirigeants de l’UMP, des impératifs de communication politique imposent d’inscrire la laïcité dans l’agenda. Avec des arrière-pensées. Le chroniqueur Guy Birenbaum, par ailleurs chercheur en science politique dans une autre vie, et auteur des premiers travaux universitaires sur le Front National, nous confie:

La question de la laïcité telle qu’elle est traitée par l’UMP c’est un faux nez. C’est une manière de dire du mal des Arabes en restant poli. Pour plaire aux électeurs de Marine Le Pen.

Olivier Roy, l’un des meilleurs spécialistes français du monde arabe, offre un fondement théorique à cette appréciation, lors d’un entretien avec la revue Thema, éditée par le CNRS.

S’interroger sur la possibilité de cohabitation entre l’islam et la laïcité en France est une fausse question. C’est la pratique politique et l’histoire qui ont toujours rendu les religions compatibles avec l’organisation politique et sociale des sociétés occidentales (…) En Europe, la question de l’islam est perçue comme culturelle, à travers une langue et une culture d’origine. Alors qu’il s’agit d’une reformulation du religieux en dehors du champ traditionnel, sur des bases modernes.

Dans une interview récemment accordée au Figaro, Jean-François Copé a tenté de désamorcer la polémique sur le bien-fondé de sa convention sur la laïcité. Pour lui, après cette réunion:

Nous en aurons fini avec l’hystérie du débat sur le débat pour aboutir enfin aux vraies réponses.

Or, parmi les 26 propositions formulées par l’UMP, certaines concernent la place de la religion dans la vie professionnelle, en particulier dans le fonctionnement des entreprises privées. Elles suggèrent notamment de rédiger un guide des bonnes pratiques de la liberté religieuse sur le lieu de travail. Tranchant avec des principes républicains fondateurs, comme le fait remarquer Philippe Portier, historien et sociologue de la laïcité en France :

Le débat vise à modifier assez substantiellement la laïcité traditionnelle, celle de 1905, qui était fondée sur un régime de liberté de conscience, permettant à l’opinion religieuse de s’exprimer partout sauf pour les agents du service public. Hier c’était l’État qui était laïque, et non la société. On est en train de transformer ce modèle, en voulant bannir le signe religieux de la voie publique elle-même, ou transformer le statut de l’usager du service public, qu’on entend priver du droit d’exposer pacifiquement ses convictions dans l’enceinte des lieux d’État. Je pense là aux propos du ministre de l’Intérieur, en opposition absolue avec les contenus du régime français de laïcité.

Dans un entretien accordé à OWNI, Philippe Portier se penche sur les tensions et les contradictions qui parcourent la société française sur le sujet. En marge des stratégies politiques du moment.


Retrouvez tous les articles de notre dossier laïcité sur OWNI (Image de Une CC Elsa Secco)

- Le financement dévoilé des mosquées
- “Hier l’État était laïque et non la société”
- Le faux débat

Illustrations CC FlickR: fabbio

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