Ni jupes, ni soumises

Le 25 novembre 2010

Sous l'impulsion de Ni Putes Ni Soumises, aujourd'hui, c'est la journée «Toutes En Jupes». Les jambes sont donc appelées à se découvrir, pour symboliser le refus des violences faites aux femmes. Non mais, What The Elle ?

Ce 25 novembre 2010 est, sur l’initiative de l’association Ni Putes Ni Soumises, la journée « Toutes En Jupes ».

Toutes les jambes, épilées ou non, sont donc appelées à porter une jupe aujourd’hui, pour symboliser leur refus des violences faites aux femmes. Non mais, What The Elle ?

L’adhésion à cette opération d’à peu près toute la presse féminine, d’environ 150 000 utilisatrices de réseaux sociaux, d’Isabelle Adjani (marraine de cette journée, avec un clin d’œil appuyé au film La journée de la jupe dans lequel elle s’est magistralement illustrée), de Carole Bouquet, Sophie Marceau, Agnès Jaoui (Agnès, que fais-tu là ?), Fanny Ardant, Claire Chazal, Elisabeth Badinter (Elisabeth, que fais-tu là-dedans ?), Audrey Pulvar, Amélie Nothomb, Zazie, Charlotte Gainsbourg -qui vont toutes vendre aux enchères une de leurs jupes pour financer la construction d’appartements-relais pour recueillir les femmes battues et leurs enfants, ce qui est bien sûr une bonne chose- me laisse perplexe.

Pourquoi ? Parce que…

Je porte une jupe si je veux

Qu’une association, vantant l’insoumission jusque dans son titre, somme les femmes de porter une jupe me fait rire jaune. On ne combat pas la société machiste en intimant aux femmes de porter tel ou tel vêtement. Qu’on soit une femme soi-même ou pas. Qu’on prétende défendre le droit des femmes, ou pas.

J’ai beau tomber sous le coup, comme toutes les Françaises, du décret du 26 Brumaire, an IX de la République napoléonienne (1892), toujours en vigueur1, qui veut que « toute femme désirant s’habiller en homme doit se présenter à la Préfecture de police pour en obtenir l’autorisation » et précise que « cette autorisation ne peut être donnée qu’au vu d’un certificat d’un officier de santé », je ne me suis jamais fait arrêter pour port outrancier de jean. Et j’ai bien l’intention que cette tolérance dure, y compris de la part des nanas, sans encourir le risque d’être blâmée pour manque de solidarité féminine.

Il caille, en plus !

Qui n’a jamais filé ses bas par excès de chair de poule me jette le premier flacon de vernis-à-ongles transparent.

Journée de la jupe, journée de la dinde: coincidence?

Z’auriez pu trouver meilleure date…

On n’est pas aux États-Unis d’Amérique, d’accord, mais on est au courant de ce qui s’y passe : or, aujourd’hui, aux USA, c’est Thanksgving, autrement dit, la journée de la dinde.

Le parallèle des titres dans les médias, Journée de la Jupe/Journée de la Dinde, n’est pas des plus délicats.

On ne revendique pas un droit à l’indifférence en marquant sa différence par un accessoire d’apparence

D’autres communautés, pour ne pas écrire « minorités » car les chiffres me feraient mentir, ont bien compris cela.

Comme à peu près toutes les filles de ma génération occidentale, je rêve de ce jour où toutes les femmes naîtront égales aux hommes, en droits (comme en devoirs), dans la réalité des faits, et pas seulement dans les textes de loi. Mais au risque d’en faire glousser certaines, mon rêve implique que je ne revendique pas des traitements de faveur à mon sexe, dont je ne voudrais qu’on excuse la « faiblesse » que quand ça m’arrangerait. J’en ai assez de ce paradoxe qui fait qu’on veut gagner, à travail égal, salaire égal, tout en s’offusquant qu’on ne nous tienne pas la porte. On a aussi le droit d’être cohérentes, à un moment.

Ailleurs dans le monde, on le prend(rait) comment ?

On peut s’accorder sur le postulat suivant : l’avancée sociale passe aussi (surtout ?) par les symboles. Soit, pouvoir porter librement une jupe n’est pas une coquetterie. Il est vrai que j’en porte plus volontiers dans le Sud qu’à Paris, parce que c’est culturellement moins “dangereux” dans des contrées où la première explication qui vienne à l’esprit est le bon sens climatique. A Paris, si vous portez une jupe, c’est potentiellement pour inciter à regarder en-dessous… A Marseille, c’est tout bêtement parce qu’il fait chaud.

Ok, c’est vrai que j’ai souvent laissé ma mini ou ma plissée au placard pour éviter de me faire emmerder dans le métro. Mais ce qui compte le plus selon moi, c’est que j’ai le choix. Ailleurs, là où on ne l’a pas, que penserait-on de cette initiative ? Le symbole est-il assez fort pour qu’on ne rie pas jaune de ces actions de “soutien” ? J’en doute… Et vous ?

- Article initialement publié sur Izine sous le titre ”Ni en jupe, ni soumise”

- Images CC: Sarah Korf, ExCharmCityCub, Thirteen Of Clubs, Yummiec00kies

  1. en 2010, dix députés ont présenté un projet de loi au Parlement. Ils souhaitent l’annulation de cette règle « fondamentalement dépassée et manifestement erronée ». La dernière fois qu’un député a demandé l’abrogation de cette loi, en 1986, la Ministre déléguée à la Parité et à l’Égalité Professionnelle a répondu qu’il ne lui paraissait pas « opportun de prendre l’initiative d’une telle mesure dont la portée serait purement symbolique ». []

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