OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Décoller l’affiche du Festival d’Automne http://owni.fr/2012/09/14/decoller-laffiche-du-festival-dautomne/ http://owni.fr/2012/09/14/decoller-laffiche-du-festival-dautomne/#comments Fri, 14 Sep 2012 09:11:12 +0000 Geoffrey Dorne http://owni.fr/?p=120070

Cette semaine, on se penche sur la sortie de l’affiche du Festival d’Automne à Paris. Ce festival a lieu tous les ans à Paris et a pour mission de passer commande à des créateurs et de susciter des démarches d’ordre expérimentales pour témoigner de la créativité des cultures non-occidentales.

Comme tous les ans, ce passionnant festival donne lieu à une affiche unique, réalisée par un artiste différent. La qualité graphique est donc souvent au rendez-vous (en témoignent les affiches que vous verrez plus bas). Cependant, cette année, nombreuses ont été les personnes surprises à la vue de l’affiche. Loin des canons de la beauté classique, elle semble avoir été faite en quelque minutes avec très peu d’exigence graphique.

L’affiche 2012 du Festival d’Automne à Paris

(voir l’affiche en grand format à cette adresse)

Dans son ensemble c’est une affiche classique : un titre en grand, des couleurs, des logos plus ou moins alignés en bas et même un code QR (le petit code barre carrée en bas de l’affiche) qui amène vers le site du Festival d’Automne. Mais quand on regarde en détail, on remarque certains points qui attirent l’oeil :

• L’harmonie des couleurs est très délicate, un orange/marron pour la typo (pour rappeler l’automne ?), un dégradé entre trois couleurs (bleu, jaune, violet) en fond de page et des logos en gris.

• La typographie semble avoir été écrite au doigt ou à la souris. Rien de mal en soi mais cela renforce énormément l’aspect négligé et l’absence d’effort.

• La date “2012, 13 sept – 31 déc” a un léger pourtour blanc. En effet, le dégradé rendait difficilement lisible le mot dans le violet, il a fallu trouver une façon de rendre ça lisible.

• En dehors du dégradé qui rappel un coucher de soleil et la couleur du texte, il n’y a aucun rappel du sujet de l’affiche. Elle n’exprime rien. Aucune allusion à l’art, à la créativité, au festival en lui-même.

• Les logos sont en gris ou en noir et ne sont pas vraiment alignés, ils semblent entassés là sans réelle choix graphique.

• Le code QR quant à lui amène l’internaute qui le prend en photo vers le site internet du Festival d’Automne. Un site qui n’est pas optimisé pour les téléphones mobiles !

Avec cette absence flagrante d’exigence dans la qualité de l’affiche, les réactions ne se sont pas faites attendre, notamment sur Twitter :

En effet, nombre de personnes ayant vu cette affiche ont tout d’abord été choqués par les couleurs et la lecture de l’affiche. Ensuite, c’est la réflexion qui a pris le pas sur les forums, les blogs, sur Twitter ou encore Facebook. En effet, l’auteur de l’affiche est l’artiste invité du Festival, Urs Fischer, un plasticien suisse dont les sculptures sont exposées dans des expositions et des biennales à travers le monde. En 2012, Urs a été invité à Venise par François Pinault qui, pour la première fois, laissait carte blanche à un artiste afin d’investir le somptueux palais vénitien du milliardaire français.

Efficacité visuelle

Urs Fischer est donc un talentueux plasticien mais pas un graphiste. Cela ne vous rappelle rien ? En 2012, l’affiche de Roland Garros réalisée par l’artiste Hervé Di Rosa avait fait couler beaucoup d’encre. Ce travail artistique sur le thème du tennis s’inscrivait pourtant dans la lignée des affiches de Roland Garros, des affiches graphiques avec une forte liberté artistique. Un artiste n’est pas un graphiste, il va de soi que ce sont deux disciplines proches mais qui poursuivent des objectifs différents. Une affiche réalisée par un graphiste sert un message de façon graphique en se démarquant ; et en utilisant certaines règles comme la lisibilité (ou parfois l’illisibilité volontaire) l’efficacité visuelle, la simplicité du message délivré, l’élégance, etc. Le but est de délivrer le message. Une image réalisée par un artiste échappe naturellement à cette contingence.

(l’affiche de Roland Garros 2012)

Et pourtant, la communication graphique du Festival d’Automne est très souvent maîtrisée, élégante et graphique. En témoigne la plaquette ci-dessous qui est réalisée par l’agence la Vache Noire ou encore quelques affiches des éditions précédentes. Ces affiches ont d’ailleurs un côté artistique très fort mais auront reçu un bien meilleur accueil. Encore aujourd’hui, leurs codes graphiques sont mieux acceptés que notre affiche de 2012.

source

Irrévérencieuse

En y réfléchissant bien, la dernière affiche qui a fait autant parler d’elle est l’affiche de la Fête de la Musique dont je vous avais parlé l’an dernier. Les critiques qui avaient été faites sur cette affiche étaient sur l’absence d’effort et de rigueur graphique et l’horrible dégradé tant remarqué. Une affiche remarquée par la critique négative. En lisant un peu plus sur le personnage d’Urs Fischer on apprend qu’il place son énergie créatrice dans sa “réputation irrévérencieuse qui met à mal les conventions et nos certitudes visuelles” et que l’on peut “reconnaître dans son geste une dimension héroïque, voire romantique, qui n’est pas sans assumer une grande part d’ironie”. [source].

Urs aurait-il donc utilisé volontairement les codes graphiques contemporains tant décriés de ces affiches qui font parler d’elles par leur “laideur” ? Serions-nous tous tombés dans le panneau ? Toujours est-il que les parodies (voir ci-dessous) et les articles sur les blogs fleurissent comme sur John Graphisme.

(l’affiche de la Fête de la Musique 2011)

(source)

Si malgré l’affiche, vous êtes intéressé par le Festival d’Automne, n’hésitez pas à vous rendre sur la programmation où, danse, art plastique, théâtre, musique et cinéma cohabitent brillamment avec des auteurs, artistes et créateurs de renom.

Geoffrey

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Festivals en poche http://owni.fr/2012/07/11/festivals-en-poche/ http://owni.fr/2012/07/11/festivals-en-poche/#comments Wed, 11 Jul 2012 08:39:01 +0000 Maxime Vatteble http://owni.fr/?p=115250

En 2012, le marché numérique de la musique est en pleine forme alors que les ventes physiques ne cessent de chuter. L’économie des festivals est elle encore florissante. Greencopper, entreprise basée à Montréal, qui propose depuis 2009 de développer, en natif, des applications Smartphone pour assurer la promotion des grands rassemblements musicaux en Europe, aux États-Unis et au Canada, avait eu le nez creux : elle a progressivement gagné la confiance du milieu et des sponsors et son catalogue compte aujourd’hui plus de 50 applications regroupant les principaux festivals de musiques actuelles de France. Un succès rapide au sein d’un marché en développement.

Miser sur l’expertise

Greencopper est constituée d’une petite équipe de 14 personnes, travaillant entre Montréal et Rennes. L’entreprise a acquis en trois ans d’existence un savoir-faire unique, reconnu par les organisateurs de festivals : en France, leur concurrence se limite désormais à quelques agences freelance, aux États-Unis, l’entreprise rivalise avec Xomo, qui développe, entre autres, l’application du festival geek et musique SXSW. Une réussite liée à l’adaptation : des concerts urbains aux énormes scènes de plein air, l’application proposée doit répondre à des attentes précises correspondant au lieu et au public. La stratégie principale de l’entreprise, présentée par Cécile Martin, directrice marketing, repose toutefois sur une logique de centralisation :

Nous mutualisons les besoins des professionnels. Nous vendons d’abord une licence de base à 3000 euros, comprenant le développement en natif et la maintenance, puis nous proposons une grille de tarifs pour l’ajout de services. Ces coûts peuvent être pris en charge par des partenaires privés. Les années suivantes, nous ne facturons que le coût de développement de nouvelles fonctionnalités ajoutées par les organisateurs, comme le push par exemple. Le but du jeu est de simplifier au maximum les démarches pour les responsables communication et de supporter toutes les contraintes techniques.

L’autre atout de Greencopper est sa connaissance du terrain. D’abord festivaliers avant de devenir prestataires de services, les différents membre de l’équipe assistent aux événements, cherchent de nouvelles idées à partir de leurs propres expériences et rencontrent directement leurs clients. Un lien de proximité très apprécié des organisateurs selon Lénaïc Jaguin, responsable communication du festival Rennais Les Tombées de la Nuit :

Greencopper anticipe en partie nos besoins et travaille directement avec les organisateurs et ses partenaires. L’entreprise prend totalement en charge un des moyens de promotion les plus importants aujourd’hui en matière de visibilité et d’interactivité, ce qui nous permet de réaliser des économies d’échelle. Chaque année nous pouvons également discuter de nouvelles fonctionnalités proposées par Greencopper qui apportent toujours une plus-value.

Après s’être imposée dans un marché émergent, Greencopper s’attache maintenant à fidéliser les utilisateurs en proposant des contenus impliquant davantage les publics. Un objectif qu’elle partage avec les organisateurs.

Page d'accueil des applications Rock En Seine de 2010 à 2012 (Capture d'écran)

Le prolongement communautaire

Le taux d’équipement en Smartphone en France est sur une courbe ascendante. Les applications mobiles, déjà largement utilisées par les festivaliers pour le partage de photos et de vidéo, semblent aussi être un outil prompt à la constitution d’une communauté. Lier la navigation du public aux réseaux sociaux est par exemple une des possibilités déjà expérimentées par les festivals. Dans son application 2011, téléchargée environ 40 000 fois, Rock en Seine proposait aux spectateurs de joindre leur compte Facebook au service de géolocalisation. Fleur Richard, responsable de la communication du festival, est prête à continuer dans cette direction :

Nous aimerions également aller plus loin avec l’application. Nous avons pensé à lier les tweets des festivaliers qui utilisent l’application avec un compte officiel et diffuser cette timeline sur les écrans géants. Nous n’avons pas encore l’effectif nécessaire pour gérer et modérer ce compte pour l’instant, mais c’est une idée que nous aimerions développer, à terme.

La seconde option pour animer la communauté de festivaliers est la gamification, actuellement étudiée chez l’un des principaux partenaires de Greencopper, SFR. Sander Cisinski, directeur du sponsoring, des partenariats et du programme jeunes talents de SFR, explique :

Nous aimerions développer l’aspect ludique de ces applications en proposant des rencontres ponctuelles avec les artistes sur les sites de festival ou bien des chasses au trésor. Il s’agirait d’enrichir le volet géolocalisation, de faire participer le public, de lui donner un autre rôle pendant les concerts.

La piste privilégiée par la FNAC, autre partenaire de l’éditeur d’application, est de proposer un service de billetterie complet, au-delà de la musique live et du volet communautaire des festivals, afin d’exploiter le potentiel du M-commerce, au cas où la fréquentation s’essouffle.

Les avantages retirés de ces API par les professionnels en termes de visibilité et de communication semblent évidents mais la réception de l’offre est plus difficile à apprécier. Si l’on isole les festivaliers utilisateurs d’iOS, représentant tout de même 55 à 60 % de l’activité de Greencopper, les étoiles et commentaires de l’AppStore ne peuvent donner qu’une idée partielle du taux de satisfaction des publics. Greencopper a constaté que le taux de mise à jour moyen est d’environ 40% : les applications restent souvent sur le téléphone des usagers, en attendant le festival suivant.


Photo par thqspeaks [CC-byncsa]

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Les beaux jours des hackers http://owni.fr/2012/05/13/les-beaux-jours-des-hackers/ http://owni.fr/2012/05/13/les-beaux-jours-des-hackers/#comments Sun, 13 May 2012 13:23:56 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=107642

(1) Le fablab "Faclab" de l'université de Cergy-Pontoise, (2) Le Chaos Communication Camp à Berlin en août 2011, (3/4) le festival THSF (Tetalab Hackerspace Festival) de Toulouse en mai 2011 (cc) Ophelia Noor pour Owni

Enfant, tu faisais des robots avec des moteurs de voiture radiocommandée et des sauts en plastique sur la plage de Mimisan-les-bons-barbecues ? Ado, tu as mixé des planches à voile et des scooters des mers pour traverser la baie de Lou-Paradisou-les-Pins même quand la météo marine annonçait un vent de force nullissime ?

Alors adulte, tu t’épanouiras dans un des festivals français organisés par la communauté des hackers. Tu pourras même y emmener tes enfants, pour qu’ils découvrent les joies de la bidouille créative. Parmi les activités prévues : des ateliers drone, robotique, vélo, la construction d’un four solaire, du brassage de bière, des pirate boxes, etc.

OWNI a dressé une première liste non exhaustive des festivals qui courent du printemps jusqu’à septembre, envoyez-nous d’autres références à sabine@owni.fr. Nous supprimons ceux déjà passés au fur et à mesure.

Nous avons rajouté Haxogreen car le Luxembourg, c’est la porte d’à côté.


Photographies par Ophelia Noor pour Owni

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Les chaleurs du festival Burning Man http://owni.fr/2011/09/06/dans-la-chaleur-du-festival-burning-man/ http://owni.fr/2011/09/06/dans-la-chaleur-du-festival-burning-man/#comments Tue, 06 Sep 2011 12:56:39 +0000 Clément Baudet http://owni.fr/?p=78299 MAJ : Le Burning man dans une (belle) vidéo ? C’est comme si vous y étiez et c’est ici.

Tous les ans, au début du mois de septembre, se déroule dans le désert du Nevada le fameux festival Burning Man [en]. Projet collectif un peu fou qui existe depuis plus de vingt ans. La dernière édition s’est achevée la nuit dernière. Cette gigantesque fête collaborative qui prend sa source sur la côte Ouest des États Unis est liée à l’émergence des industries du web dans la Silicon Valley. Une fois cher payée l’entrée, économie du don et culture jamming et Do It Yoursef (DIY, fais-le toi-même) sont joyeusement pratiquées pendant sept jours dédiés à la création. La ville éphémère de Black Rock City attire aujourd’hui de plus en plus de geeks et autres fous de nouvelles technologies. Exemple parfait des liens qui existent entre les hippies de San Francisco et les dirigeants de Google…

Burning Man c’est un peu une incarnation de la Zone d’Autonomie Temporaire d’Hakim Bey, avec couleurs, costumes excentriques, installations artistiques, numériques et pyrotechniques hors du commun, voitures mutantes (art cars) tout droit sorties de MadMax errant dans un décor post-apocalyptique, interdiction de pratiquer toute transaction commerciale pendant le rassemblement… Black Rock City [en] est un « espace autre », recréé ex-nihilo par des milliers de « burners » qui forment cette ville qui devient alors la troisième plus grande du Nevada.

La première fois que j’en ai entendu parler, c’était en 2009. Des amis me montrent sur YouTube quelques vidéos qui posaient ce cadre. Scotché, j’ai passé la nuit à regarder des photos. Une chose était sûre, il fallait que j’y sois là-pour la prochaine édition. Grâce à CouchSurfing [en], – le site Internet d’hospitalité qui permet de squatter, partout dans le monde, un canap’ pour la nuit – je trouverai une place dans un véhicule pour me rendre sur la playa, cette vaste étendue désertique d’où émerge Black Rock City.

Black Rock City, ville éphémère

Expérience communautaire ou utopie urbaine, je ne savais trop quoi penser en arrivant dans la ville. Organisée en arc de cercle ouvert sur le désert, on s’y repère comme sur un cadran d’horloge imaginaire. C’est au centre de que s’élève le man, véritable axis mundi, centre spatial et temporel du rassemblement : une effigie en bois de forme humaine de plus de vingt mètres de haut qui sera brûlée le samedi soir dans une festive effervescence. Black Rock City est une grande bourgade qui possède un aéroport, un bureau de poste, des journaux quotidiens (comme le Black Rock Beacon [en]), plusieurs stations de radio, et de nombreux autres services rendus possibles par la participation bénévole des burners. Il y a même un éclairage public ! Les lamp lighters [en] allument tous les soirs des lampes à huile le long des plus grandes « avenues » de la cité.

Loin de ressembler à une vaste anarchie, dix principes servant de référence se sont progressivement imposés à Black Rock City, sorte de contrat social informel adopté par les participants. Pratique du don, libre expression de soi, autonomie de chacun sont encouragés en mettant l’accent sur la solidarité, la responsabilité écologique et la communauté. Selon la devise « leave no trace », les burners sont invités à protéger cet espace naturel en ne laissant aucune trace physique. Après l’événement, une équipe de bénévoles passe plusieurs semaines le site au peigne fin.

L’absence de relation marchande est ce qui frappe le plus. Excepté pour l’achat de la glace ou du café, l’argent est banni et chacun doit apporter de quoi survivre dans des conditions climatiques difficiles (chaleur, fréquentes tempêtes de poussière) et être autosuffisant en eau et en nourriture.

This is not a consumer event. No spectator, participant only !

Mais ça va plus loin que ça. Burning Man repose sur l’idée de l’inclusion radicale et de la participation active de chacun. Certains offrent des poèmes, de la nourriture (des pancakes servis tous les matins en plein désert, si c’est possible !), d’autres organisent des concerts, des jeux absurdes, construisent de manière collective des installations artistiques, des camps à thème, projettent des films, se déguisent ou se baladent plus simplement à poil… Une stimulation de la créativité et de l’imagination qui ramène en enfance, assis devant une feuille blanche, la trousse remplie de crayons de couleur. J’ai ainsi distribué aux burners des citations de philosophie, écrites à la main dans de petites enveloppes. Au gré des rencontres, des surprises, des déambulations sans fin dans ce parc d’attraction pour adultes, gigantesque musée d’art contemporain à ciel ouvert. La musique, à dominante électronique, accompagne jusqu’au petit matin les danseurs et la diversité sonore [en] présente sur la playa ravit toutes les oreilles.

La nuit tombée, l’émerveillement visuel vous saisit de plus belle. The Serpent Mother, une sculpture géante du groupe d’artistes Flaming Lotus Girls [en], représentant un serpent enroulé autour de son œuf, crache du feu. Sous un gigantesque dôme, Thunderdome – oui, le même que dans le troisième volet de la trilogie Mad Max ! -, des burners s’affrontent. J’avoue avoir passé plusieurs nuits à jouer au Groovik’s Cube [en], une installation numérique lumineuse inspirée du célèbre jeu Rubik’s Cube. Trois personnes pouvaient faire tourner les axes du cube à partir de d’emplacements situés autour de la structure.

De la Cacophony Society à Google

Lorsque Larry Harvey et son ami Jerry James ont construit en 1986 une effigie en bois pour la brûler à Baker beach au pied du Golden Gate Bridge à San Francisco, ils ne se doutaient pas qu’ils allaient donner naissance à un tel mouvement. Parce que c’est bien d’un mouvement dont il s’agit. Rassemblement incontournable pour les jeunes et les moins jeunes de la baie de San Francisco, Black Rock City comptait plus de 50 000 personnes en 2010. Parallèlement, des centaines évènements similaires se développent et s’organisent à l’échelle locale, aux États-Unis et ailleurs, autour des mêmes principes. C’est le festival Nowhere en Espagne, le Kiwiburn en Nouvelle Zélande ou l’Afrikaburn en Afrique du Sud.

Brian Doherty raconte avec passion la genèse de cet homme en feu dans son livre This is Burning Man [en]. En 1990, suite à l’interdiction par les autorités locales (la Local Park Police) de brûler le man sur la plage de Baker Beach, il fut démonté et transporté au Zone Trip [en], un événement artistique organisé en plein désert de Black Rock par un regroupement d’excentriques urbains néo-situationnistes de San Francisco : la Cacophony Society [en].

Chaque année, le nombre de participants va doubler pour atteindre 4.000 personnes en 1995. Rassemblement anarchique à ses début, espace de liberté totale dédié aux expérimentations, même les plus dangereuses (le port d’arme n’était pas interdit et Brian Doherty raconte bien les accidents des premières années), les participants vont vite créer une organisation à but non lucratif pour lui permettre de croître et surtout de perdurer. Aujourd’hui la Burning Man Organization [en] emploie une trentaine de personnes à l’année et comprend un comité exécutif de six membres permanents (dont le cofondateur Larry Harvey) responsable des obligations légales et financières de Burning Man. Le billet d’entrée à Black Rock City varie en fonction de la date d’achat et s’élève aujourd’hui entre 210 et 300 dollars. Il permet de financer les installations sanitaires et médicales de Black Rock City et de reverser de nombreuses bourses [en] pour les projets artistiques.

Si certains anciens burners que j’ai rencontrés déplorent le succès de Burning Man, il reste un lieu unique de création et de libre expression. En 1995, Matt Wray décrivait Black Rock City comme un patchwork inégalé de la contre-culture américaine :

Toutes sortes d’espèces coexistent ici, une encyclopédie vivante de sous-culture : des survivants du désert, des primitifs urbains, des artistes, des rocketeers, des hippies, des Deadheads, des queers, des pyromanes, des cybernautes, des musiciens, des harangueurs, des frappés de l’éco, des têtes d’acide, des éleveurs, des punks, des amoureux des armes, des danseurs, des amateurs de sado-maso, des nudistes, des réfugiés du mouvement des hommes, des anarchistes, des raveurs, des transgenres et des spiritualistes New Age

Hippies 2.0 : Silicon Man et Burning Valley

Mais ce n’est pas un rassemblement de hippies traditionnels comme le donne à voir un des épisodes de South Park [en]. Il attire rapidement des ingénieurs en nouvelles technologies de la baie de San Francisco qui surfent sur la dot-com bubble [en]. En novembre 1996, Bruce Sterling publiait dans Wired magazine un article [en] sur Burning Man dans lequel il comparait Black Rock City à « une version physique d’Internet ». Cet événement va ainsi rapidement devenir la destination phare pour les nouvelles élites de l’informatique [en].

De nombreux ingénieurs des environs de Palo Alto s’y rendent régulièrement comme le soulignent les études de Fred Turner, Robert Kozinets et Lee Gilmore [lien ?]. Parmi ces digerati, Jeff Bezos, directeur fondateur d’Amazon.com, Larry Page et Sergey Brin, fondateurs de Google, participèrent plusieurs fois. L’origine des logos à thème de Google serait même directement lié à leur voyage en 1998.

Howard Rheingold, théoricien de la notion de « communauté virtuelle » (The Virtual Community, 1993) et spécialiste dans l’étude des rapports entre et l’homme et les nouvelles technologies, s’y rend lui tous les ans. Il dévoile les projets artistiques qu’il y prépare chaque année sur son compte Twitter.

Les liens entre le Silicon Man et la Burning Valley [en] sont évidents : ils s’inscrivent dans la même zone géographique et rassemblent les mêmes participants. Preuve à l’appui : cette vidéo (de 37 minutes !) réalisée en 2007 par deux employés de Google qui nous apprennent comment cuisiner à Burning Man.

Mais comment expliquer que les dirigeants et les employés des plus grandes entreprises du web décident d’aller passer tous les ans une semaine au milieu de nulle part ? Le journaliste Quentin Noirfalisse rappelle bien que la cyber-culture prend ses racines dans les mouvements contre-culturels de la fin des années 1970. Synthèse de la culture alternative et de la techno-culture, Burning Man est un sujet de discussion sur Internet dès 1994, notamment sur The WELL, première communauté virtuelle créée par Stewart Brand, célèbre éditeur de la revue Whole Earth Catalog. Larry Harvey a lui aussi abordé en 1997, dans un discours un rien prophétique, les liens de continuité entre Internet et Burning Man :

Burning Man et Internet offrent tous les deux la possibilité de rassembler de nouveau la tribu de l’humanité, de parler à des millions d’individus dispersés dans la grande diaspora de notre société de masse.

Internet et Burning Man : zones d’inclusion radicale

Selon les recherches de l’anthropologue américaine Lee Gilmore, « pour la communauté de Burning Man, Internet va être un outil essentiel pour organiser, communiquer et construire Black Rock City. Les burners de tous les coins du monde restent connectés toute l’année à travers de nombreuses mailinglists globales et régionales (…) ». Parmi elles, e-playa et bien d’autres communautés en ligne comme tribe.net, livejournal.com et Facebook, dont la page de Burning Man compte plus de 241 990 amis. À Black Rock City, comme dans le cyberespace, les burners portent des playa names [en], pseudonymes de circonstance donnés généralement par d’autres burners et depuis 2003, un Burning Man virtuel, – Burning Life – est organisé dans Secondlife au début du mois d’octobre. Un rassemblement d’avatars qui brûlent un man digital dans un décor désertique. Oui, on peut le dire, Burning Man est un vrai rassemblement de geeks créatifs.

Si le développement d’Internet et de son industrie semble lié à l’émergence de Burning man c’est qu’il existe des convergences de valeurs ou convergences culturelles pour reprendre le terme du professeur Henry Jenkins [en]. Black Rock City est peut-être bien une incarnation physique d’Internet comme le déclarait Bruce Sterling. Ce rapprochement est repris par Lee Gilmore : « Internet est le secteur dans lequel la frontière entre participant et observateur et surement la plus obscure, et Internet comme Burning Man sont des zones d’inclusion radicale et le libre expression. » L’interactivité, la participation promue à Burning Man est alors la même que celle du web 2.0.

Certaines entreprises n’hésitent pas à payer des billets à leurs employés pour s’y rendre, dans une démarche professionnelle susceptible d’augmenter leur créativité comme le relève [en] Vanessa Hua, journaliste au San Francisco Chronicle. Pour des entreprises qui recherchent l’innovation, cette incroyable créativité est une véritable mine d’or, à tel point que Chris Taylor publiait en 2006 un article [en] sur le sujet dans le Businnes 2.0 magazine en incitant les lecteurs à venir découvrir et participer. C’est aussi un lieu de rencontre, qui permet de se faire des contacts. Vanessa Hua souligne qu’il est relativement tabou d’y parler boulot ou argent, mais que les contacts se nouent facilement dans ce cadre informel où chacun, libéré des hiérarchies du monde réel, est à même de déployer toute sa créativité en plein désert. Sympa comme cadre de rencontres professionnelles.

Une infrastructure culturelle pour la Silicon Valley

Fred Turner, professeur de communication à l’université de Stanford analyse les liens qui existent entre cet événement et l’émergence des industries en nouvelles technologies de la Silicon Valley. Burning Man est selon lui, une infrastructure culturelle qui permet l’émergence de nouvelles fabrications de médias (new media manufacturing). Cette infrastructure culturelle repose sur une organisation collaborative du travail, la common-based peer production [en] théorisée par Yochai Benkler de l’Université d’Harvard, lui-même auteur de La Richesse des réseaux (2006), où il analyse les manières dont les technologies de l’information et de la communication permettent des formes augmentées de collaboration qui transforment l’économie et la société. On est pas loin des smart mobs d’Howard Rheingold, son livre sur les potentialités des nouvelles technologies pour augmenter l’intelligence collective.

Cette organisation collaborative du travail se retrouve à la fois dans des projets Open source, les licences Creative Commons, dans Wikipédia, et également à Burning Man : Il est possible de participer, en écrivant un article, en apportant un savoir-faire, qui est « donner » à la communauté, dans la même logique qu’une installation artistique ou une performance réalisée à Burning Man.

En prenant l’exemple de Google, Fred Turner dans son article (en ligne [pdf, en]) démontre de quelle manière Burning Man peut être considéré comme un support idéologique aux nouveaux modes de productions mis en œuvre dans la Silicon Valley.

Turner dénonce cette nouvelle d’organisation du travail qui fusionne épanouissement personnel et professionnel, lieu de travail et lieu de vie, temps de travail et temps de loisir. Loin d’une visée purement humaniste, elle permettrait d’augmenter la productivité et la créativité des employés. En témoignent les installations artistiques et numériques réalisées de manière collaborative, ou des programmes comme Burning Man Earth, un projet réalisé par des burners développeurs et programmateurs informatiques avec l’équipe de Google Earth. L’objectif ? Permettre une visite virtuelle en 3D de Black Rock City tout en développant (bénévolement bien sûr) de nouveaux outils pour la plateforme de Google Earth.

Burn, baby burn ! Mais qui est cet homme qui brûle ?

Cette effigie en bois n’est pas sans rappeler The Wicker Man, ce mauvais film d’horreur de 1973, mais Larry Harvey affirme n’avoir pas vu le film lorsqu’il y mit le feu pour la première fois. Que représente-t-elle alors ? Quel sens peut-on y trouver ? François Gauthier, professeur d’anthropologie à l’UQAM à Montréal considère que Burning Man, c’est « l’indétermination de sens qui est la condition de possibilité de la communauté ». Le man, cette sculpture de forme humaine au genre neutre, n’a aucune signification préétablie. Mais le succès de ce rassemblement réside peut-être dans le fait qu’il nous dit quelque chose de notre époque, qu’il fusionne l’héritage de la contre-culture hippie et la cyber-culture, s’inscrivant dans le développement d’Internet et des nouvelles technologies. Le man, comme un totem post-moderne, ne serait alors que le symbole du changement et du dépassement.

Et cette volonté, cette force de création, peut faire penser à l’euphorie technophile qui se retrouve dans le mouvement transhumaniste. On aperçoit d’ailleurs des images de Burning Man en introduction de TechnoCalypse, documentaire de Frank Theys consacré au transhumanisme. Grâce aux nouvelles technologies, il est aujourd’hui possible de transcender les limites humaines, tel serait le message. L’homme est aujourd’hui capable de se transformer, et il n’y a qu’un pas entre la création numérique, informatique et biologique. “Humain, trop humain” écrivait Nietzsche, Burning Man professerait-il l’avènement d’une l’humanité 2.0 ?

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Et toi, lecteur d’OWNI, ça te dis d’aller faire un tour à Black Rock City ? N’oubliez pas vos googles goggles (lunettes anti duststorm) et see you on the playa ! ;)


Cliquer ici pour voir la vidéo.


N.B : Un grand merci à @aSciiA pour son aide à la rédaction de cet article.

Crédit photos : FlickR CC PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales par foxgrrl par zenzineburner ; par Michael Holden par zenzineburner; DR Google; par jonandesign; par Halcyon

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Astropolis: “l’essence même de la rave techno” http://owni.fr/2011/08/09/astropolis-rave-techno/ http://owni.fr/2011/08/09/astropolis-rave-techno/#comments Tue, 09 Aug 2011 06:24:15 +0000 Sourdoreille http://owni.fr/?p=75639 Fin juillet, le festival Astropolis s’en est allé à nouveau prêcher en terres électroniques, pour trois nuits entre Detroit et Berlin en rade brestoise. Voici l’histoire originale d’Astropolis et ses châteaux, agrémentée de nos coups de cœur de la programmation.

Début des années 90. A Brest, un groupe de potes, organisateurs de concerts indie, file à Rennes pour les traditionnelles Transmusicales. Ils y découvrent la techno, dont les premières vagues arrivent en France, depuis les Etats-Unis.

De retour au bord de la mer, les Brestois créent leur collectif pour prendre le relai et se lancer dans l’organisation de soirées techno à l’arrache. Les Sonics sont nés. Ils expliquent le principe du festival au site Input Selector : “son et déco bricolés, lieux improbables, promo simplissime, programmation audacieuse et pointue : en novembre 1994 au camping de Saint-Pabu, l’immense Jeff Mills mixe devant un public médusé.”

L’année 1995 est le premier pas d’Astropolis. Un champ du Nord-Finistère est réquisitionné pour une rave clandestine. Puis ce sera le parc des expositions de Lorient l’année suivante, cette fois de manière officielle.

astropolis

Astropolis grandit et s’installe dans son premier véritable berceau : le château de Keriolet, près de Concarneau. Il s’y déroulera de 1997 à 2000, grâce à des liens tissés avec son propriétaire, Christophe Lévêque. Oui, il existe un châtelain astropolisable capable d’accueillir la fine fleur de l’électro. Laurent Garnier, grand ami du festival, trouve là un terrain d’expression idéal. Lui et les Sonics y défendent les mêmes idées de la fête.

2001, retour dans le nord. L’histoire d’amour entre Astropolis et les vieilles pierres ne s’arrête pas pour autant. Direction Guilers et son manoir de Keroual, nouveau terrain de jeu pour un festival qui passe à une formule de plusieurs jours, progressivement. Objectif : sortir la musique électro des clubs et faire participer toute la ville et toutes les tranches d’âge. Tu as moins de douze ans ? Va à l’Astroboum. Tu es un habitué de la pétanque ? Mix’n boules est fait pour toi.

Aujourd’hui, la cour du manoir de Keroual est une place appréciée des artistes. Dans cette bâtisse qui a vu naître Louise de Keroual en 1649 (considérée comme une aïeule éloignée de Lady Di), on a depuis vu passer pas mal de troubadours de l’électro. Cette année, Stephan Bodzin, Gesaffelstein, Rusko ou encore Supermayer, pour ne citer qu’eux, se sont chargés d’écrire une nouvelle page de cette idylle granitique.

Les lives

Nouvelle Vague

Ciel bleu, galettes saucisses, couples amoureux et poussettes. Jeudi, Nouvelle Vague a ouvert Astropolis à la cool, en rade de Brest, dans le cadre d’un Jeudi du port dédié au festival. Avant la déferlante 100% électronique du week-end, Marc Collin, Mélanie Pain & co sont venus susurrer leurs morceaux à l’oreille des mouettes finistériennes qui tournoyaient au-dessus du public.

Voici Sandy Sandy, titre issu de leur album « Couleurs Sur Paris » (2010).

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La Femme

Fin d’après-midi sur le toit de la Carène, à Brest. En introduction d’un week-end tous beats dehors, Astropolis s’est offert un moment de répit ensoleillé en mode pop.

Invité du jour : La Femme, groupe le plus hype du moment. Ils sont jeunes et insouciants, n’ont pas encore passé le bac, mais déjà rêvent de sensations sur la plage. Virée sur les hauteurs du port de commerce à l’heure de l’apéro.

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Carl Craig

C’est l’un des papas de la techno, qui l’a choyée dans son berceau de Detroit dès son plus jeune âge. Carl Craig, qu’on ne présente plus, s’est arrêté à Astropolis cette année pour fêter les 20 ans de son label « Planet E », aux côtés de ses poulains Pantha Du Prince et Psycatron.

Dans la salle de La Suite, bondée pour l’occasion, le master a joué plus de trois heures, avec toujours cette envie intacte. Un live martial, agrémenté d’un remix de Bells, classique de Detroit composé par son pote Jeff Mills. La boucle est bouclée.

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Rone

Rone ? Quatre lettres et beaucoup d’espoir placé en ce jeune Parisien exilé à Berlin. Repéré par le label d’Agoria, Infiné, connu pour son exigence et son ouverture d’esprit, Rone affole le petit monde de l’électro depuis la sortie de son premier disque, Spanish Breakfast.

Chez Rone, on avance à pas feutrés, en suspension, sans artifices, comme savent le faire Chloé ou encore Nathan Fake, dans un autre registre. Voici le titre éponyme de son dernier maxi, So So So, joué samedi dans la cour du manoir de Keroual, fief d’Astropolis.

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dOP

On nous avait prévenus : dOP ne ressemble à rien d’autre. Deux producteurs adeptes de techno downtempo vicieuse, un MC à la ricaine, torse-poil, avec une voix de crooner. Faites jouer tout ça à 3H30 du mat’ dans un Vauban obscur et ultra-moite, et voilà les trois loustics baignant dans leur jus, et leur chanteur rinçant les amygdales de toute la gent féminine installée au premier rang.

Dans cet instant d’allégresse, on a sorti nos petites caméras et tenté, au mieux, de vous offrir des images de ce live torride…

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“Une fête techno sans limites” mais dans le respect

Emmanuel Dauchez aka Manu Le Malin est l’un des pionniers de la techno hardcore, celle qui ne lâche jamais prise, entre grosses nappes de basse, beats indus et BPM très élevé. C’est le seul artiste à n’avoir manqué aucune édition d’Astropolis. Activiste d’un réseau qui aura mis plusieurs années à sortir de l’underground, ce Parisien est aussi le parrain d’Astropolis.

Nous l’avons rencontré dans un escalier, sur les hauteurs du port de commerce, pour discuter rave, piscine Molitor et projets de quinquagénaire.

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Résident du Rex à Paris et d‘Astropolis, Electric Rescue est l’un des fervents défenseurs de l’esprit rave. A cinq jours du festival brestois, il déclarait sa flamme à sa « fête préférée », à qui il a même dédié un morceau.

Astropolis, c’est l’essence même de la rave techno. C’est le seul festival avec cet esprit en France. Il prône la liberté liée au respect, tout en proposant une fête techno sans limites. Mais les limites du raisonnable ne sont jamais dépassées, il y a ce fond de respect des organisateurs et du public.

Il est différent car ses organisateurs sont des passionnés, fanatiques, dévoués à la musique électronique. La musique, la découverte, les expériences et la fête sont leur leitmotiv. L’argent n’est jamais la première considération. Ces organisateurs conçoivent le festival en se positionnant en tant que public et en tant que professionnels pour rendre tous leurs délires et envies faisables dans le respect des lois.

Astropolis est différent parce que le public breton, qu’on le veuille ou pas, est le meilleur public de France. Les Bretons ont l’esprit de fête, l’amour pour la musique, la culture du festival et du fest-noz. C’est une région qui est extrêmement ouverte à la culture.

A Astropolis il y a quelque chose dans l’air d’inexplicable, qui fait que c’est à mon avis la meilleure fête qui existe. C’est pour cela qu’en 17 ans je n’ai raté que très peu d’éditions, et aucune autre proposition quelle qu’elle soit ne me ferait rater Astropolis.

À écouter

Pour finir : une petite playlist à la cool, comme on les aime, avec cinq artistes pour poursuivre la découverte après Brest.

Pantha du Prince – Saturn Strobe by maillardelectronique

Supermayer – Two Of Us (Extended Album Version) by Shandrill

Housemeister – Sommer by Csmizzle

Rone – Nakt [IF2034/2011] by Rone

DOP – No More Daddy (Original Mix) by Hedi Black ☊

Billets initialement publiés sur le site de Sourdoreille sous les titres  “Astropolis, une vie de châteaux” et “Electric Rescue : « Astropolis, plein de frissons rien que d’en parler !”. Vous pouvez retrouver toutes les vidéos sur la page de Sourdoreille dédiée à Astropolis.

Illustration Flickr CC PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification par tuxthepenguin84 PaternitéPartage selon les Conditions Initiales par manuel | MC

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Les Vieilles Charrues, un bon festival “à l’ancienne” http://owni.fr/2011/07/21/les-vieilles-charrues-un-bon-festival-a-lancienne/ http://owni.fr/2011/07/21/les-vieilles-charrues-un-bon-festival-a-lancienne/#comments Thu, 21 Jul 2011 08:53:50 +0000 Sourdoreille http://owni.fr/?p=74294 Cet anniversaire devait tenir toutes ses promesses : celui d’un festival exubérant, gargantuesque et pourtant toujours aussi bon enfant et attaché à son territoire. Comme une immense fête de village où, d’année en année, les habitants auraient invité leurs amis, puis les amis des amis… Pour finir par se retrouver avec plus de 5.000 bénévoles et 240.000 entrées en 4 jours !

Certains imaginaient une programmation mythique pour cette édition anniversaire. On a entendu les noms de Daft PunkNeil Young ou même des Rolling Stones circuler ! Rien de tout ça finalement. Les Charrues sont restées fidèles à elles-mêmes : une programmation foutraque, ou en trois heures, on peut s’enchaîner ScorpionsSnoop Dogg et Mondkopf ! Une programmation concoctée à base de grosses têtes d’affiches françaises façon variet’ (Jean-Louis Aubert, Eddy Mitchell, Yannick Noah…) et quelques jolis coups (PJ Harvey, Lou Reed, Cypress Hill…). Derrière ces locomotives (on oublie volontairement Guetta), une centaine de groupes tout aussi divers dans leur style, leur nationalité et leur niveau de notoriété. C’est un peu comme à la fête foraine : il y en a pour tous les goûts, et à toute heure…

Cette prog’ des 20 ans a été critiquée. Et pourtant, en moins d’une journée, les 105.000 pass 3 ou 4 jours ont été vendus. Un commerce au noir a fleuri sur la toile, à tel point que le festival a dû mettre en place un système de bourse d’échange pour éviter les dérives (des pass proposés à 600 euros et un procès gagné contre un site anglais). Étonnant ? Pas tant que ça…

Les Vieilles Charrues, c’est le festival « à l’ancienne » par excellence. Celui qui jouit d’une côte d’amour irrationnelle et totalement déconnectée des aléas artistiques (et par la même de la surenchère des cachets). On y vient avant tout pour y retrouver une ambiance. Les bénévoles et les festivaliers font la force et l’attrait de ce festival. Les groupes, eux, se doivent de réaliser la bande-son pour cet étrange village de petits Gaulois bien décidés à faire la fête jusqu’à plus d’heure.

On pourrait penser qu’il s’agit d’une spécificité bretonne, voire des Charrues. Pourtant, une étude anglaise sur les festivaliers en Europe montre que le premier critère pour se décider à venir ou non sur un festival, ce n’est pas la programmation mais le nombre d’amis qui seront présents. La propreté des toilettes compte presqu’autant que la programmation…

Lives

Notre histoire avec les Bloody Beetroots a débuté il y a plus d’un an, à Panoramas. Ce jour d’avril 2010, les trois Italiens masqués retournaient littéralement la petite ville de Morlaix. On en avait alors profité pour capter un live démoniaque

De retour en terres bretonnes avec leur nouveau spectacle « Church Of Noise », les potes de Steve Aoki étaient attendus ce week-end aux Charrues. Quelques minutes en amont de leur live, nous les avons suivis pour immortaliser leur entrée en scène devant plusieurs dizaines de milliers de furieux, sur la scène Glenmor…

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Notre première rencontre avec les gais lurons québécois Misteur Valaire s’est faite il y a un an autour d’un jeu un peu bizarre. Depuis, on les a vus sur scène chez eux, au Québec, et on s’est dit que les Montréalais méritaient bien qu’on immortalise l’un de leurs concerts.

Sur la scène Grall, France, DRouin, Jules, To, Luis ont réveillé les corps humides, l’heure de l’apéro à peine passée. Voici Ave Mucho, hymne à la fête et à la bonne humeur :

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Dans le sillage d’une bien chouette soirée sur la scène Grall (Misteur Valaire, Tiga…), l’ovni Crystal Fighters a débarqué à Carhaix. Ce projet musical hors-cases mélange rock, électro, folklore basque et même quelques incursions dubstep. Le concert des anglo-espagnols restera une des révélations du festival. Il ne vous reste plus qu’à vous jeter sur ce live !

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Demander à un rappeur d’avoir un bon flow et des textes incisifs. Voilà, à priori, le b.a.-ba requis pour se présenter sur scène, quand on prétend taquiner la rime. Parfois, la réalité est toute autre. Mais quand Marc Nammour se présente à nous pour ouvrir la 20e édition des Vieilles Charrues, on se convainc vite qu’on a ici affaire à un garçon sérieux. Ce rap-là a des choses à dire. Cela peut paraitre prise de tête. C’est tout le contraire.

En face d’Olivia Ruiz, le son rock de La Canaille est une bonne mise en jambe, et surtout un bel éveil des sens et des consciences. Nous avons filmé Par temps de rage, morceau éponyme du second album du groupe, paru en ce début d’année.

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On ne vous a jamais raconté notre première rencontre (ratée) avec Goran Bregovic. C’était il  y a un an, au Foin de la Rue. On devait l’interviewer. La thématique de l’interview (l’enfance) ne lui avait pas plu, et il avait tourné les talons.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, Goran Bregovic a posé le pied pour la première fois à Kerampuilh cette année. Pourtant, il était évident que la rencontre entre le public des Vieilles Charrues et le natif de Sarajevo serait un chouette moment. Tête d’affiche d’une soirée à Grall dédiée aux musiques de l’est, le gazier s’est dépassé. Et le public, comme bien souvent, ne s’est pas fait prier.

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Acoustique

Il y a des femmes qui transpirent le rock par tous les pores de la peau. Lisa Kekaula est de celles-là. Débarqués de Londres pour faire trembler la scène Glenmor, la chanteuse des Bellrays et ses trois musiciens ont prouvé que la flamme soul-rock est intacte.

Quelques minutes après leur concert, Lisa Kekaula et son guitariste ont débranché le courant et nous ont offert une petite session acoustique, dans leur loge.

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On pensait la trouver avec sa guitare en bandoulière, c’est finalement avec un synthé que Ladylike Lily nous a accueillis dans sa caravane. La jolie Rennaise, qui bénéficie du soutien actif des Vieilles Charrues, est venue passer quatre jours au festival, en voisine. Accompagnée de son ingé-son qui a dégainé un iPad pour l’occasion, Ladylike Lily nous a offert en avant-première l’un de ses nouveaux titres, Kissing Spell, qu’elle jouait pour la première fois. Une histoire de sirène qui ne voulait pas tuer les gens :

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Brèves de Charrues

À la belle étoile. A son origine, l’expression « faire campos » désignait la fin de l’école pour permettre aux enfants de retrouver leur campagne et se coltiner les travaux agricoles, au champ. Deux siècles plus tard, les temps ont bien changé, du côté de Carhaix. Ici, on remet les pendules à l’heure : le camping, c’est chouille, chouille et chouille.

Auto-proclamé meilleur camping de festival en France, ce champ est franchement surréaliste, par instants. Dormir, c’est tricher. L’heure où tout dérape ? L’apéro, bien entendu. C’est à ce moment-là qu’on est allés à la rencontre de ces festivaliers multi-récidivistes de délits carhaisiens. A la rencontre des habitués, pour nous narrer leurs souvenirs et meilleurs moments de ces vingt éditions.

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Après quoi courent-ils ? 13h47. Soit 17 minutes de retard pour une ouverture des portes très calme, même si les files d’attente avaient été doublées cette année. Pour la petite histoire, les premiers à fouler Kerampuilh sont deux quinquagénaires, prenant leurs jambes à leur cou et traçant leur route comme des ados. Pour Scorpions, on parie.

Tout change, rien ne change. Qu’y-a-t-il  de nouveau pour ces 20 ans ? A vrai dire, pas grand chose, et c’est tant mieux. Principal enseignement : le festival est toujours préservé des assauts de marques trop envahissantes. A Carhaix, on joue encore sur terrain neutre.

Girls power. Deux journalistes nous annoncent que 69% des festivaliers sont des filles. Majoritaires, peut-être. Mais nos confrères voient peut-être un peu double, quand même, lorsqu’il s’agit de la gent féminine.

Retour aux sources. En décembre, Olivia Ruiz sera à l’affiche de ‘Un jour, mon père viendra‘, comédie tournée lors de l’été 2010, et où elle donne la réplique à Gérard Jugnot et François Berléand. En conférence de presse, la belle insiste : rien de plus légitime pour celle qui a d’abord une formation de comédienne avant de pousser la chansonnette. Tiens, prend ça, Vanessa Paradis.

God saves Jarvis Cocker. Pulp a joué sur une scène Kerouac désertée par un public soucieux de se placer pour Scorpions. Les irréductibles n’ont pas été déçus du voyage un peu halluciné proposé par Jarvis Cocker, un animal capable de rester classe en faisant mine de montrer son pénis et en se mettant à quatre pattes. Ce mec est grand.

Mondkopf, taille patron. Ce petit génie de la musique électronique tient décidément une côte d’enfer. Initialement prévu sur la scène Grall, honnêtement plus conforme à son statut, l’auteur du somptueux ‘Rising Doom’ s’est vu proposer ensuite la clôture de la grande scène, à condition d’allonger son set de cinq petites minutes. Si ce n’est que ça, alors banco.

Que devient le Doggystyle ? Alors que les vrais gangstas se font plomber dans la rue, Snoop Dogg referait-il son cercle d’amis autour de David Guetta ? On préfère en tout cas le voir avec son spliff et le son west-coast qui le caractérise tant. Plutôt qu’appeler au jump, avec des sons dance machine. Le grand écart est là, et nous, on souffle le chaud et le froid.

Publié initialement sur le blog de Sourdoreille sous les titres Brèves de comptoir des Vieilles Charrues et les Vieilles Charrues, pays de Cocagne

Illustration: Flickr CC PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales StevenLeRoux

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De Woodstock au Printemps de Bourges-Crédit Mutuel http://owni.fr/2011/05/04/de-woodstock-au-printemps-de-bourges-credit-mutuel/ http://owni.fr/2011/05/04/de-woodstock-au-printemps-de-bourges-credit-mutuel/#comments Wed, 04 May 2011 15:08:59 +0000 Hélène David http://owni.fr/?p=31725

From now on, it’s a free concert.

Nous sommes en fin de journée, ce 15 août 1969. L’organisateur qui prononce cette phrase (« dorénavant, le concert est gratuit »), devant près de 500.000 festivaliers, ne se doute pas de l’engouement historique que va susciter ce Woodstock Music and Art Fair.

L’ambiance est à l’antimilitarisme, au flower power, à l’utopie collective. Ces trois jours auront vu se produire les meilleurs musiciens que compte alors l’Amérique. Et lorsque les barrières tombent, sous la masse des spectateurs, l’événement qui allait être le cœur du « summer of love », en plus d’être fondateur de la culture pop-rock, allait être gratuit.

Cette gratuité n’est pas tant à mettre sur le compte d’un désintéressement financier de l’organisation que sur leur débordement face au torrent des festivaliers, combiné à une ambiance de “paix et d’amour” qui laissait penser que tout était possible. A vrai dire, en 69 non plus, on n’organisait pas un festival de cette ampleur sans espérer glaner quelques dollars.

Un an plus tard, au sud de l’Angleterre, le festival de l’Ile de Wight accueille lui aussi des centaines de milliers de spectateurs. Quelques heures après le début des festivités, les palissades installées pour éviter aux resquilleurs de ne pas payer les trois livres d’entrée tombent à leur tour. Le mécontentement des festivaliers a eu raison de l’organisation. Les concerts seront gratuits. (Voir les images d’archive)

L’innocence perdue de la production

Dans une interview [EN] accordée en 2003 au quotidien turc Hürriyet, Michael Lang, l’organisateur de Woodstock et de plusieurs autres festivals, expliquait ce qui à ses yeux, avait changé depuis cette époque :

La chose qui a le plus changé, c’est que l’on vit dans un monde beaucoup moins innocent.

Trente ans après l’édition mythique de Woodstock 1969, le concert anniversaire de 1999 accueillait près de 600.000 spectateurs, probablement attirés par l’idée de toucher du doigt cette innocence perdue. Tarif : 150 dollars pour les trois jours.

Quant au festival de l’Ile de Wight, c’est 150 livres (pour les non campeurs) qu’il faudra débourser cette année pour assister aux concerts de Kasabian, Foo Fighters ou encore Beady Eye (ou Oasis recyclé). Aussi prestigieux soient-ils, les festivals sont devenus une industrie à part entière. Il n’y a guère qu’en France qu’on semble encore s’en cacher.

Lorsqu’en 2008, le mastodonte Live Nation [EN] -entreprise organisatrice de concert et tourneur-, prend le contrôle du Main Square Festival, les critiques se font entendre. Elles sont relayées en avril 2010 dans Le Monde, dans un article intitulé “La France conquise par Live Nation, numéro 1 du spectacle”:

Cette structure de douze salariés (dont plusieurs débauchés chez la concurrence) gère sur le territoire français le catalogue international du groupe – qu’il s’agisse des artistes signés “globalement” par Live Nation (Madonna, U2, les Rolling Stones, Jay-Z, Shakira…), suivant le principe des contrats à 360° incluant la scène mais aussi le disque et le merchandising, ou des tournées achetées au coup par coup, comme celles de Rihanna ou Lady Gaga. Sur ce créneau, la concurrence est rude pour les producteurs français. “Difficile de lutter quand il s’agit de deals internationaux“, admet Salomon Hazot, patron de la société Nous Productions, qui a récemment perdu divers artistes au profit de Live Nation.

La culture fast-food, à la sauce rock

Certains -rares- irréductibles boycottent ce genre d’organisation. Fan de la première heure de Kasabian, Delphine, pourtant lilloise, n’ira pas assister au concert de ses idoles cet été à Arras, parce qu’elle désapprouve le fonctionnement du tourneur :

Par principe, je boycotte Live Nation. Sauf exception. Parce que bon, puisqu’ils contrôlent 90% du marché, pas facile d’y échapper…

Les autres, pour la plupart, s’en fichent comme de l’an 40, ou se rendent simplement à l’évidence: la musique est un business. Benoît Sabatier est de ceux là. Rédacteur en chef adjoint de Technikart, habitué des festivals depuis ses plus jeunes années et spécialiste de la culture pop, il ne se fait plus d’illusion sur la nature de ces grands rassemblements dont il reste friand, mais qu’il nomme, sens de la formule oblige, “parcs d’attraction bien taxés avec déglingue tolérée”:

Les festivals, c’est le relevé des comptes de l’industrie. Une affiche se monte à coup de billets. On paye, on pointe, on se baffre, on enchaîne les groupes. C’est le côté fast-food du rock. Fast-rock : on bouffe un peu de Strokes, un bout d’Arcade Fire, une aile de Massive Attack, on arrose de Soulwax et on fait passer avec des rasades de Queens of the Stone Age… Dans un festival, la musique est un prétexte. C’est la colonne vertébrale, mais ce qu’on en retient à l’arrivée, c’est aussi comment était la bière, qui on a rencontré, où on a dérapé et comment on a fini. Niveau musique, un festival fait plus business parce que cette sortie rejoint celle que font les familles à Disneyland. Il y a un prix d’entrée, et il faut mettre sa main à sa poche pour toutes les animations annexes.

Le rock dépolitisé

On le sait, la musique est une industrie. Le live en est l’un des piliers. L’innocence des hippies de 69 s’est probablement évaporée, mais ce n’est pas tout. Notre rapport à la musique, la façon dont on la “consomme” et ce qu’on y investit ont complètement changé. C’est ce qui explique aussi en partie l’évolution des grandes messes du rock depuis les années 60.

Aux chansons folk des années 60-70, qui invitaient à une prise de position politique et conduisaient tous ses amateurs à se ranger aux grandes idées de la jeunesse hippie de l’époque, ont succédé des groupes souvent meilleurs musicalement, mais détachés de tout engagement politique.

La jeunesse de Woodstock reprenait le “give me a F, give me a U, give me a C, give me a K” de Country Joe McDonald, exprimant ainsi son opposition résolue à la guerre de Vietnam. Le top de l’engagement aujourd’hui, ce sont les néons “eco-friendly” de Radiohead, ou les verres recyclables. Les Dylan, Baez ou Hendrix d’hier ont été remplacés par de gentilles icônes pop ou des méga groupes qui envoient des décibels, mais ne font plus de discours.

C’en est fini du rock comme propulseur d’une idéologie politique, censé être en totale déconnexion avec l’idée même de faire de l’argent.  Aujourd’hui, le rock sert aussi à faire de l’argent. Ou plutôt, comme l’explique Benoît Sabatier de Technikart, on a cessé de se mentir à ce sujet:

Dans les années 60-70, le rock est lié au gauchisme. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le rock, s’il reste de gauche, est un produit totalement lié au libéralisme. Il l’est à la base: Elvis et les Beatles étaient soumis à la loi du marché, mais dans les années contre-culture, 60-70, le rock devait, de façon soit utopique, soit hypocrite, faire comme si régnait le désintéressement face à l’affreux Dieu dollar. Surtout dans les Festivals. Vu d’aujourd’hui ça semble dingo: un festival, dans les sixties, devait être gratuit. Le public de hippies trouvait inconcevable, anti-rock, de devoir payer un droit d’accès. Il y avait une pression énorme. Il pouvait y avoir une part d’opportunisme, (notamment les festivals gratuits pour vendre plus de disques payants), mais aussi un vrai côté généreux, communautaire, festif, anti-matérialiste. C’était logique, idéologique. Progressivement l’industrie a vu dans les seventies que le rock n’était pas une mode éphémère mais un entertainment juteux: à partir des années 80, l’idée de gratuité des Festivals était un souvenir fumeux et chevelu.

Le côté festif est resté intact. Les concerts ont valeur d’entertainment. L’idéologie et la contestation qui leur étaient autrefois associés ont disparu. Une révolution digne des années 70, pour que les barrières tombent et les artistes jouent gratuitement, est-elle encore possible? Réponse de Benoît Sabatier:

Non. Il existe encore des petits festivals gratuits, qui fonctionnent grâce à des subventions, mais autrement tout le monde a accepté le fait que si on veut voir un artiste il faut passer à la caisse. C’est quand même normal : maintenant que l’on a trouvé comment pirater les disques, le live reste un dernier rempart pour qu’ artistes et industries puissent vivre de leur boulot.


> Benoît Sabatier a signé une édition poche et actualisée de “Nous sommes jeunes, nous sommes fiers“.  “Culture jeune – l’épopée du rock” paraîtra le premier juin aux éditions Fayard/Pluriel.

> Illustrations: Image de clé FlickR CC ketou, affiche du festival de Woodstock dbking

Vous pouvez retrouver nos articles sur le dossier festivals : Jeunes artistes : laissez-les chanter et Festivals cherchent finances

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Le NOISE, le festival qui dépendait du Ministère de l’Intérieur http://owni.fr/2011/04/30/le-noise-le-festival-qui-dependait-du-ministere-de-l%e2%80%99interieur/ http://owni.fr/2011/04/30/le-noise-le-festival-qui-dependait-du-ministere-de-l%e2%80%99interieur/#comments Sat, 30 Apr 2011 14:00:45 +0000 Charly Andral http://owni.fr/?p=60115 L’année dernière le grand rassemblement Techno du premier mai vivait un exil forcé aux confins de l’Ariège. En 2009, le Teknival était interdit et certains véhicules transportant les sound systems saisis selon le Procureur de la République « afin notamment de rechercher les auteurs d’infractions d’actes de terrorisme […]». Cette année, stupeur : l’évènement réputé « à haut risque » se déroulera à moins de deux heures de Paris. Il sera massif. Les camions convergent depuis la Bretagne, l’Est, la Belgique. Certains ont fait la route depuis la République Tchèque, d’autres sont partis d’Italie. Les Anglais, nombreux et organisés, se sont regroupés en convois et ont loué un bateau pour arriver avec tout leur matériel.

Ce week-end, ce sont près de 170 sound systems qui s’installeront sur la base aérienne de Laon Couvron. Un pareil rassemblement, la planète Techno n’en avait pas vécu depuis des années. Face aux murs d’enceintes bricolés, des dizaines de milliers de teuffeurs vont danser sous les étoiles, deux jours durant… avec la bénédiction du Ministère de l’Intérieur. 2011 fera date. Pour la première fois autorités et collectifs de sound systems se dirigent vers une co-organisation, une révolution lorsque l’on connait le fossé culturel qui les sépare. On respire, un peu perplexe : les rassemblements Techno ne seraient plus, soudain, synonymes d’excès et de drogues ? Quelle mouche a donc piqué le nouveau locataire de la place Beauvau pour qu’il renonce ainsi à la matraque ?

Sortir de l’impasse

Chaque année, légalement ou non, le Teknival du premier mai rassemble des milliers de participants. Coup d’envoi de la saison des fêtes en plein air, il a toujours constitué un point de repère quasi sacré pour la frange la plus revendicative des cultures électroniques, une forteresse imprenable pour les pouvoirs publics. Au-delà des reportages à sensations et des faits divers sordides, le Teknival fait peur. Spectacle de la catharsis, de la transe, musique répétitive, l’évènement suscite l’inquiétude de l’opinion.

En 2007 le rapport du député Jean-Louis Dumont, bat pourtant en brèche nombre d’idées reçues et invite à la dédramatisation, statistique à l’appui. Seulement, expliquer « qu’on se bat infiniment moins dans une fête techno que dans une fête de village » est peu télégénique. Ni média ni gouvernement n’infléchissent leurs discours. Les uns insistent sur les drogues , les autres invoquent impréparation et risques d’accident. Entre interdictions et coups tordus, les dernières éditions avaient mis les sound systems dos au mur.

« Il fallait que les choses bougent » explique Mickaelle Thibault, porte voix du mouvement. Quarante-sept ans et toujours passionnée, la teuffeuse exhorte l’ensemble des collectifs de musiciens amateurs à monter une organisation irréprochable. Le projet doit permettre d’éviter le pire, la saisie du matériel des artistes. Elle résume : « Notre boulot c’était que les sound systems puissent venir sans avoir la boule au ventre ». Peu à peu les collectifs se fédèrent et montent un dossier exemplaire : accueil, prévention, gestion des déchets et des risques, le tout adossé à une structure associative qui prendra en charge une partie des coûts liés à l’évènement.

Alors que depuis des années les politiques déploraient le caractère incontrôlable du mouvement, une telle initiative force cette fois le Ministère de l’Intérieur à jouer le jeu. Après d’âpres négociations il se résout à réquisitionner un terrain et invite les pouvoirs locaux à coopérer. Demeure néanmoins une équation politique difficile à résoudre : comment donner des gages à la scène Techno sans se départir du traditionnel discours de la fermeté ?

Le NOISE, la chèvre et le chou

En proposant de rebaptiser l’évènement, les médiateurs offrent aux pouvoirs publics la possibilité de ménager la chèvre et le chou. « Ça fait longtemps qu’ils nous reprochaient d’appeler ça Teknival » explique Ivan Boureau, impliqué dans l’organisation depuis plusieurs années. Aux yeux du grand public le terme est trop connoté. Son abandon permet aux responsables politiques de coopérer avec les organisateurs sans perdre la face, rendant le projet possible. Cette année le Teknival est donc rebaptisé le « NOISE ». Un nom-symbole est perdu mais la fête, elle, peut vivre. « Et quelle fête ! » Devant le nombre de sound systems ayant répondu à leur appel les portes paroles du mouvement sont enthousiastes. L’esprit de l’évènement semble bel et bien intact : gratuité et droit d’accès à n’importe quel collectif musical souhaitant participer. Ivan Bourreau insiste : « C’est le festival de la culture libre ! C’est libre ! ».

Quel impact sur le mouvement Free ?

Une fois passé le NOISE, les organisateurs espèrent un « effet boule de neige » sur une myriade de rassemblements de petite ampleur. Difficile cependant de partager leur optimisme alors que s’annoncent d’importantes échéances électorales, avec leurs cortèges de postures sécuritaires. Si par un tour de passe-passe l’État est parvenu à lâcher du lest sur un évènement phare, le parti majoritaire se refuse à repenser en profondeur son approche des scènes alternatives. Le cadre juridique dans lequel s’inscrit le mouvement Techno n’est d’ailleurs pas appelé à changer. Depuis 2001, la loi de Sécurité Quotidienne donne aux préfets le pouvoir d’interdire les « rassemblements exclusivement festifs à caractère musical ». Un pouvoir dont les représentants de l’État usent et abusent, maintenant en marge de la légalité une composante importante des cultures jeunes.

Au fil de son rapport Jean-Louis Dumont questionne :

« Comment pouvons-nous demander à ces jeunes gens de prendre leurs responsabilités si notre seule réponse à leur aspiration est ‘’Non’’. Les législations, les réglementations doivent être pensées pour que globalement les événements puissent avoir lieu, le possible devant être le cas majoritaire, l’impossible le minoritaire. Encadrer, ce n’est pas interdire. »

C’était il y à trois ans. Depuis, aucune des propositions de l’élu n’a été adoptée. Le Teknival, lui, change de nom mais pas d’autorité de tutelle : les rassemblements technos sont toujours les seuls évènements musicaux qui ne dépendent pas du Ministère de la Culture, mais de l’Intérieur.

> Illustrations CC Flickr par guennno et Xavier Spertini

Vous pouvez retrouver nos articles sur le dossier festivals : Jeunes artistes : laissez-les chanter et C’était mieux avant ?

Image de Une Mick ㋡rlosky

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http://owni.fr/2011/04/30/le-noise-le-festival-qui-dependait-du-ministere-de-l%e2%80%99interieur/feed/ 13
Jeunes artistes : laissez-les chanter http://owni.fr/2011/04/29/festivals-les-jeunes-a-la-remorque-festivals-musique/ http://owni.fr/2011/04/29/festivals-les-jeunes-a-la-remorque-festivals-musique/#comments Fri, 29 Apr 2011 16:13:09 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=60049 Shaka Ponk, Yodelice, Lavilliers, Louis Chedid, Catherine Ringer, Keren Ann, Archive, BB Brune, AaRON, Katerine… tous vont se partager les scènes des différents festivals cette année. Leur notoriété semble plus importante que la découverte de jeunes pousses. Pourtant, les faire jouer coûte cher. Plus cher que de nouveaux talents.
Les tourneurs, qui organisent les tournées de ces artistes, expliquent cet état de fait par la notoriété du chanteur ou du groupe, qui permet le plus souvent aux programmateurs de rentrer dans leurs frais.

Aux Francofolies de la Rochelle, le ratio découverte/tête d’affiche est sensiblement le même chaque année: 15 pour 40. Les Premières Scènes Franco sont des scènes découvertes. Au nombre de douze environ cette année, ce sont des jeunes qui sortent du Chantier des Francos, inconnus du grand public. Du côté du festival, on affirme que :

Certains débutent dans le milieu et d’autres un peu moins mais, en général, il faut être curieux pour déjà les connaître ou les avoir entendus.

Entre la norme et la réalité parfois, il y a comme un grand écart. Au programme de cette édition 2011 des Francofolies, les Twin-Twin, qui bénéficient d’une certaine exposition, sont par exemple classés “découverte”. Mais aussi Mélanie Laurent, Zaz ou Ours, les deux derniers étant pour les programmateurs de “jeunes talents”, découverts l’an dernier au cours du festival. Le pari de lancer quelques jeunes talents semble dans ce cas réussi.

Et les retours sur investissement largement supérieurs à ceux escomptés. Sur les 130 concerts cette année, les artistes de la grande scène – ceux qui remplissent les salles le restant de l’année – vont jouer sur cinq scènes différentes par soir pendant quatre soirées. Pour le 14 juillet, ces privilégiés seront au nombre de six. Soit environ 26 chanteurs et/ou groupes mis en concurrence avec ces jeunes inconnus “à connaître”. Sans compter quelques artistes déjà plutôt médiatisés sur les quatre autres scènes. La programmation compte en effet plus de 40 chanteurs ou groupes dont la renommée est déjà faite et une quinzaine de véritables découvertes.

Money Money Money, must be funny

Parmi les artistes confirmés, les plateaux (salaires, cachet de l’artiste et les frais de route entre autres) sont élevés, sans que les artistes gagnent forcément des sommes pharamineuses. Un tourneur explique qu’avec un plateau évalué à 15.000 euros, il revient en moyenne 2.000 euros à l’artiste. Rien à voir avec le cachet que touche un débutant. Les prix de plateaux demandés par les tourneurs aux programmateurs de festivals sont “gonflés”. Sur l’ensemble des personnes contactées par OWNI, aucune ne donnera de montant précis: point de transparence pour les “grands” artistes.

Izia aux Solidays 2010

La raison principalement invoquée repose avant tout sur l’argument selon lequel“personne ne sait combien l’artiste touche pour un concert de tournée classique”. La négociation se joue alors sur le nombre de spectateurs potentiels. En effet, l’artiste se produisant en festival devant plusieurs milliers de personnes demandera à toucher plus qu’au cours des concerts du reste de l’année, ayant lieu le plus souvent dans des salles pouvant contenir beaucoup moins de spectateurs.

Come on, die young

Pour un jeune talent, le festival d’été est souvent le meilleur moyen de toucher beaucoup de monde d’un seul coup et, parfois, de lancer ainsi sa carrière. Le parcours des festivaliers en goguette permet souvent d’attirer l’attention de certains vers la scène découverte. Quitte ou double pour l’artiste en question. Son tourneur négocie sa présence le plus souvent en démarchant et en présentant son poulain. En amont des festivals, c’est lui qui invite les organisateurs aux dates de son artiste, qui envoie des mails et serre des mains lors des soirées, et ce bien longtemps avant la date d’ouverture des festivals. Parce qu’il y croit, il n’a pas forcément à l’esprit la rentabilité. Un booker – terme anglais désignant un tourneur – explique qu’il est “obligé de prendre 15 % mais que sa marge n’est pas vraiment très élevée”.

Prenant l’exemple d’un artiste – qu’il ne souhaite pas citer -, il estime qu’il “coûte” 2.500 euros au total. Pour une date de quatre musiciens dont un chanteur, et deux techniciens (un ingénieur du son et un régisseur), il propose à l’organisateur du festival un prix de plateau. Dans ce prix de plateau sont compris les salaires, le cachet de l’artiste et les frais annexes. Le tourneur explique que :

Parfois, tu es au delà de ce que tu vas pouvoir récupérer sur la date en elle-même puisque tu vas peut-être dépenser plus que ce que ça va te rapporter. C’est juste une indication pour l’organisateur du festival.

Ces 2.500 euros tiennent compte des 170 euros brut du cachet de l’artiste (environ 80 euros net). Un technicien lui “coûte” 100 euros net soit environ 210 en incluant les charges salariales. On arrive selon lui à près de 1.000 euros de masse salariale. Si on ajoute l’ensemble des frais liés à la logistique (location du camion, péage, nourriture), le pari de la jeune découverte l’endette – à court terme – de 2.000 euros.

Un pari risqué, donc. Se tourner vers les artistes côtés et reconnus représente l’assurance de ne pas perdre trop pour le tourneur et les programmateurs. S’investir pour faire découvrir un artiste se joue en amont du festival et implique un plan marketing visiblement plus complexe que pour une tête d’affiche. Il s’agit d’insister, de procéder avec méthode en partant du petit concert du coin au festival régional et enfin, à la gloire. Les festivals sont toujours vus comme des tremplins, l’idée étant pour les promoteurs de gérer le développement de leur artiste sur le long terme, pas de rentrer dans leurs frais dès le départ.

Mais entre les dépenses engendrées et l’assurance de pouvoir placer un artiste dont on sait qu’il va remplir l’espace ou le carré d’herbe devant la scène, le choix est fait. Celui de faire venir la foule. Et ce même si l’artiste plébiscité peut coûter cinq à dix fois plus cher que la jeune pousse enthousiaste.

> Illustrations Flickr CC J0k, Shugga

> Retrouver nos articles dans le dossier Festival : C’était mieux avant ?et Festivals cherchent finances

Image de Une Mick ㋡rlosky

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http://owni.fr/2011/04/29/festivals-les-jeunes-a-la-remorque-festivals-musique/feed/ 4
C’était mieux avant? http://owni.fr/2011/04/29/cetait-mieux-avant/ http://owni.fr/2011/04/29/cetait-mieux-avant/#comments Fri, 29 Apr 2011 14:36:56 +0000 Hélène David http://owni.fr/?p=59100

From now on, it’s a free concert.

Nous sommes en fin de journée, ce 15 août 1969. L’organisateur qui prononce cette phrase (« dorénavant, le concert est gratuit »), devant près de 500.000 festivaliers, ne se doute pas de l’engouement historique que va susciter ce Woodstock Music and Art Fair.

L’ambiance est à l’antimilitarisme, au flower power, à l’utopie collective. Ces trois jours auront vu se produire les meilleurs musiciens que compte alors l’Amérique. Et lorsque les barrières tombent, sous la masse des spectateurs, l’événement qui allait être le cœur du « summer of love », en plus d’être fondateur de la culture pop-rock, allait être gratuit.

Cette gratuité n’est pas tant à mettre sur le compte d’un désintéressement financier de l’organisation que sur leur débordement face au torrent des festivaliers, combiné à une ambiance de “paix et d’amour” qui laissait penser que tout était possible. A vrai dire, en 69 non plus, on n’organisait pas un festival de cette ampleur sans espérer glaner quelques dollars.

Un an plus tard, au sud de l’Angleterre, le festival de l’Ile de Wight accueille lui aussi des centaines de milliers de spectateurs. Quelques heures après le début des festivités, les palissades installées pour éviter aux resquilleurs de ne pas payer les trois livres d’entrée tombent à leur tour. Le mécontentement des festivaliers a eu raison de l’organisation. Les concerts seront gratuits. (Voir les images d’archive)

L’innocence perdue de la production

Dans une interview [EN] accordée en 2003 au quotidien turc Hürriyet, Michael Lang, l’organisateur de Woodstock et de plusieurs autres festivals, expliquait ce qui à ses yeux, avait changé depuis cette époque :

La chose qui a le plus changé, c’est que l’on vit dans un monde beaucoup moins innocent.

Trente ans après l’édition mythique de Woodstock 1969, le concert anniversaire de 1999 accueillait près de 600.000 spectateurs, probablement attirés par l’idée de toucher du doigt cette innocence perdue. Tarif : 150 dollars pour les trois jours.

Quant au festival de l’Ile de Wight, c’est 150 livres (pour les non campeurs) qu’il faudra débourser cette année pour assister aux concerts de Kasabian, Foo Fighters ou encore Beady Eye (ou Oasis recyclé). Aussi prestigieux soient-ils, les festivals sont devenus une industrie à part entière. Il n’y a guère qu’en France qu’on semble encore s’en cacher.

Lorsqu’en 2008, le mastodonte Live Nation [EN] -entreprise organisatrice de concert et tourneur-, prend le contrôle du Main Square Festival, les critiques se font entendre. Elles sont relayées en avril 2010 dans Le Monde, dans un article intitulé “La France conquise par Live Nation, numéro 1 du spectacle”:

Cette structure de douze salariés (dont plusieurs débauchés chez la concurrence) gère sur le territoire français le catalogue international du groupe – qu’il s’agisse des artistes signés “globalement” par Live Nation (Madonna, U2, les Rolling Stones, Jay-Z, Shakira…), suivant le principe des contrats à 360° incluant la scène mais aussi le disque et le merchandising, ou des tournées achetées au coup par coup, comme celles de Rihanna ou Lady Gaga. Sur ce créneau, la concurrence est rude pour les producteurs français. “Difficile de lutter quand il s’agit de deals internationaux“, admet Salomon Hazot, patron de la société Nous Productions, qui a récemment perdu divers artistes au profit de Live Nation.

La culture fast-food, à la sauce rock

Certains -rares- irréductibles boycottent ce genre d’organisation. Fan de la première heure de Kasabian, Delphine, pourtant lilloise, n’ira pas assister au concert de ses idoles cet été à Arras, parce qu’elle désapprouve le fonctionnement du tourneur :

Par principe, je boycotte Live Nation. Sauf exception. Parce que bon, puisqu’ils contrôlent 90% du marché, pas facile d’y échapper…

Les autres, pour la plupart, s’en fichent comme de l’an 40, ou se rendent simplement à l’évidence: la musique est un business. Benoît Sabatier est de ceux là. Rédacteur en chef adjoint de Technikart, habitué des festivals depuis ses plus jeunes années et spécialiste de la culture pop, il ne se fait plus d’illusion sur la nature de ces grands rassemblements dont il reste friand, mais qu’il nomme, sens de la formule oblige, “parcs d’attraction bien taxés avec déglingue tolérée”:

Les festivals, c’est le relevé des comptes de l’industrie. Une affiche se monte à coup de billets. On paye, on pointe, on se baffre, on enchaîne les groupes. C’est le côté fast-food du rock. Fast-rock : on bouffe un peu de Strokes, un bout d’Arcade Fire, une aile de Massive Attack, on arrose de Soulwax et on fait passer avec des rasades de Queens of the Stone Age… Dans un festival, la musique est un prétexte. C’est la colonne vertébrale, mais ce qu’on en retient à l’arrivée, c’est aussi comment était la bière, qui on a rencontré, où on a dérapé et comment on a fini. Niveau musique, un festival fait plus business parce que cette sortie rejoint celle que font les familles à Disneyland. Il y a un prix d’entrée, et il faut mettre sa main à sa poche pour toutes les animations annexes.

Le rock dépolitisé

On le sait, la musique est une industrie. Le live en est l’un des piliers. L’innocence des hippies de 69 s’est probablement évaporée, mais ce n’est pas tout. Notre rapport à la musique, la façon dont on la “consomme” et ce qu’on y investit ont complètement changé. C’est ce qui explique aussi en partie l’évolution des grandes messes du rock depuis les années 60.

Aux chansons folk des années 60-70, qui invitaient à une prise de position politique et conduisaient tous ses amateurs à se ranger aux grandes idées de la jeunesse hippie de l’époque, ont succédé des groupes souvent meilleurs musicalement, mais détachés de tout engagement politique.

La jeunesse de Woodstock reprenait le “give me a F, give me a U, give me a C, give me a K” de Country Joe McDonald, exprimant ainsi son opposition résolue à la guerre de Vietnam. Le top de l’engagement aujourd’hui, ce sont les néons “eco-friendly” de Radiohead, ou les verres recyclables. Les Dylan, Baez ou Hendrix d’hier ont été remplacés par de gentilles icônes pop ou des méga groupes qui envoient des décibels, mais ne font plus de discours.

C’en est fini du rock comme propulseur d’une idéologie politique, censé être en totale déconnexion avec l’idée même de faire de l’argent.  Aujourd’hui, le rock sert aussi à faire de l’argent. Ou plutôt, comme l’explique Benoît Sabatier de Technikart, on a cessé de se mentir à ce sujet:

Dans les années 60-70, le rock est lié au gauchisme. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le rock, s’il reste de gauche, est un produit totalement lié au libéralisme. Il l’est à la base: Elvis et les Beatles étaient soumis à la loi du marché, mais dans les années contre-culture, 60-70, le rock devait, de façon soit utopique, soit hypocrite, faire comme si régnait le désintéressement face à l’affreux Dieu dollar. Surtout dans les Festivals. Vu d’aujourd’hui ça semble dingo: un festival, dans les sixties, devait être gratuit. Le public de hippies trouvait inconcevable, anti-rock, de devoir payer un droit d’accès. Il y avait une pression énorme. Il pouvait y avoir une part d’opportunisme, (notamment les festivals gratuits pour vendre plus de disques payants), mais aussi un vrai côté généreux, communautaire, festif, anti-matérialiste. C’était logique, idéologique. Progressivement l’industrie a vu dans les seventies que le rock n’était pas une mode éphémère mais un entertainment juteux: à partir des années 80, l’idée de gratuité des Festivals était un souvenir fumeux et chevelu.

Le côté festif est resté intact. Les concerts ont valeur d’entertainment. L’idéologie et la contestation qui leur étaient autrefois associés ont disparu. Une révolution digne des années 70, pour que les barrières tombent et les artistes jouent gratuitement, est-elle encore possible? Réponse de Benoît Sabatier:

Non. Il existe encore des petits festivals gratuits, qui fonctionnent grâce à des subventions, mais autrement tout le monde a accepté le fait que si on veut voir un artiste il faut passer à la caisse. C’est quand même normal : maintenant que l’on a trouvé comment pirater les disques, le live reste un dernier rempart pour qu’ artistes et industries puissent vivre de leur boulot.


> Benoît Sabatier a signé une édition poche et actualisée de “Nous sommes jeunes, nous sommes fiers“.  “Culture jeune – l’épopée du rock” paraîtra le premier juin aux éditions Fayard/Pluriel.

> Illustrations: Image de clé FlickR CC hddod, affiche du festival de Woodstock dbking

Vous pouvez retrouver nos articles sur le dossier festivals : Jeunes artistes : laissez-les chanter et Festivals cherchent finances

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