OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Google:|| Cours camarade, le vieux monde est derrière toi! http://owni.fr/2010/05/28/google-cours-camarade-le-vieux-monde-est-derriere-toi/ http://owni.fr/2010/05/28/google-cours-camarade-le-vieux-monde-est-derriere-toi/#comments Fri, 28 May 2010 10:21:44 +0000 Alix Delarge http://owni.fr/?p=16794 Google n’est pas seulement devenu en un temps record un mastodonte de l’économie mondiale. Il incarne la troisième révolution industrielle, celle du numérique. Entreprise postmédias, postidéologique et postcapitaliste, Google est le nouveau monde qui remplace l’ancien, non sans débats passionnés. Radioscopie d’un prédateur cool.

Quand avez-vous pour la première fois « googlelisé » le nom de la nouvelle copine de votre ami d’enfance avant de les inviter à dîner tous les deux ? Ou celui de votre nouveau patron pour vous informer de ses antécédents ? Ou encore d’Isabelle Adjani pour vérifier son âge ? Quand avez-vous pour la première fois utilisé Google Earth ? Ouvert un compte gmail ? Souvenez-vous : c’était il n’y a pas si longtemps. Et pourtant une éternité.

En à peine douze ans, Google s’est imposé dans nos vies, notre vocabulaire, nos yeux, nos cerveaux, notre façon de voir le monde. « Le terme “googleliser” est le premier néologisme de l’Histoire à figurer une action et non plus un simple objet », fait remarquer Stéphane Distinguin, qui a présenté La Méthode Google, du journaliste américain Jeff Jarvis. Le Times a parlé, à propos de Google, de « l’entreprise au développement le plus rapide de l’histoire du monde ».

Parce que la révolution Google n’est pas réductible à des chiffres, même vertigineux, il nous faut comprendre en quoi Google clôt une ère et en ouvre une autre. Son modèle économique et son système de valeurs nous en donnent la mesure. Attention néanmoins : le vieux monde n’a pas dit son dernier mot.

Comment Google est devenu multimilliardaire sur des services gratuits

« Organiser toutes les informations à l’échelle mondiale dans le but de les rendre utiles et accessibles à tous »

C’est la mission que s’assigne officiellement, et en toute modestie, Google. Ce que le spécialiste des nouvelles technologies Michael Malone, du Wall Street Journal, traduit en ces termes dans l’excellent documentaire de Gilles Cayatte, Google, la machine à penser : « Voilà un modèle économique génial : fournir un service gratuit et faire payer les annonceurs dans la coulisse. » 97 % des recettes de Google proviennent en effet de la publicité. Une « Contre-enquête » du journal Le Monde, en avril 2010, résume assez bien le procédé : « Le groupe vend des mots-clés aux annonceurs, via un système d’enchères. Si ces mots-clés font l’objet d’une recherche (de la part de l’internaute), leur lien publicitaire apparaît au-dessus ou à droite des résultats “naturels” de la recherche. » Ainsi, Google rassemble des sommes microscopiques multipliées à l’infini, puisque tout mot au monde, et ce dans toutes les langues, est à vendre. Son système de relevé des compteurs est simplissime : l’annonceur en question n’a qu’à se connecter sur AdWords, la régie pub de Google, et s’y enregistrer.

« Google est le plus extraordinaire et fascinant succès de notre époque, tant économique, médiatique que technologique. Le génie technologique s’apparente à de la magie », expliquait David A. Vise, journaliste au Washington Post et coauteur de Google Story en 2006, dans un chat au Journal du Net. À croire que les esprits les plus rationnels ont perdu tout sens critique devant l’extraordinaire réussite de Page et Brin, chapeautés par un CEO senior depuis 2001, Éric Schmidt. Mais pourquoi cette réussite ?

Parce que le potentiel de développement de Google est exponentiel. Selon le principe du redéploiement permanent, du « best effort », Google étend son domaine d’intervention à tous les secteurs. Gratuitement pour les utilisateurs, à peu de frais pour tous ceux qui ont quelque chose à vendre : des billets d’avion, un blog, des recettes de cuisine, etc., et qui ont intérêt à être bien placés en page d’accueil du site. Être bien placé signifie que le mot-clé est traité selon un indice de pertinence, lui-même calculé par PageRank en fonction de ce que l’annonceur paie et de ce que l’internaute tape. Ainsi, saisissez la lettre « a » et vous obtiendrez 13,89 milliards de réponses. Mais la première d’entre elles sur le Web français sera… « De particulier A particulier », obtenue en 0,25 seconde. Ce qui fait dire au très critique Renaud Chareyre, dans son essai Google spleen, que le métier de Google n’est pas l’information, mais la publicité. Ce qui est « sponsorisé » est-il plus pertinent que ce qui est « naturel » ? À dire vrai, tout le monde s’en fout puisque tout le monde y gagne. Nous y reviendrons.

En somme, Google n’a pas inventé une nouvelle manière de communiquer, mais a simplement adapté ses outils aux besoins de communication et d’information de l’homme moderne. C’est peu ou prou ce que répondait Mark Zuckerberg, le jeune fondateur de Facebook, interrogé sur le succès de son réseau social : il suffit d’organiser un besoin qui existe déjà. La révolution ne consiste donc pas en l’invention chimérique d’un homme nouveau :

« Google ne nous traite pas comme une masse, mais a compris que l’économie est une masse de niches – c’est-à-dire que le petit est le nouveau grand. Google ne se considère pas comme un produit. C’est un service, une plate-forme, un outil pour donner des moyens aux autres qui, jusqu’à preuve du contraire, ne connaît pas de limites », analyse Jarvis.

On comprend mieux que Google étende avec un succès égal ses principes aux autres domaines de la communication. Dans le monde horizontal de la conversation planétaire, il suffit de « donner » aux gens les moyens de converser. C’est pourquoi on peut dire avec Michel Serres (notre Grand témoin, p.176) que « le plus ignorant d’entre nous jouit désormais d’un accès assez facile à plus de connaissances que le plus grand savant du monde d’hier ». Voilà ce que devient le monde quand il est livré aux informaticiens ! Surtout quand ceux-ci se piquent de messianisme !

Comment Google invente chaque jour une nouvelle utopie planétaire

Car Google s’affiche comme l’étendard postmoderne de la mondialisation heureuse. En premier lieu dans son image publique et son management, brandis comme les « must have » du nouveau millénaire. Pensez : un Américain pure souche s’allie avec le fils d’un réfugié russe. Pour les deux comparses, la guerre froide est synonyme de paléolithique ! « Larry et Sergey étaient des étudiants de Stanford qui faisaient du roller et mangeaient des pizzas », raconte Marissa Mayer, une des vice-présidentes, dans un sourire ému. Ils inventent ensemble un nom mi-puéril, mi-savant [Nd: Le terme mathématique «gogol» signifie 10 100, soit le chiffre 1 suivi de 100 zéros. Google en est une déformation.] dont ils peinturlurent le logo de couleurs prépubères. Bleu, rouge, jaune, bleu, vert, rouge, en lettres rondes et friendly.

Dans leur premier QG, chacun des 39 salariés orne son bureau d’une lampe à volcan, symbole d’inventivité et de feu d’artifice après chauffage. On travaille sur des tables de ping-pong. Il y règne un « chaos global où plus personne ne sait qui dirige qui ». Au pays de Google, il faut être « curieux, ouvert sur le monde et aimer la technologie ». Les nouveaux « googlers » sont accueillis par les anciens lors des fameux « TGIF » (« Thanks God, It’s Friday »), où ils se doivent d’être drôles, spirituels et, donc, ouverts sur le monde, le tout en arborant des tee-shirts de geek gonflés au niveau de la brioche par des litres de Coca. La fiction Google nous est ainsi présentée sous la forme d’un phalanstère : la cantine est gratuite, les salles de sport aussi, et l’on peut s’adonner à la relaxation tant qu’on veut, puisqu’il n’y a prétendument personne pour vous surveiller. Chez Google, être sympa est un art de vivre.

Pas étonnant quand on sait que les primes versées sont, entre autres, fonction de sa cote de popularité auprès des collègues. Pour ceux qui auraient la velléité de se la jouer selfish, Google a tout prévu : les ingénieurs maison disposent de 20 % de leur temps pour travailler à des « projets perso ». Là réside le fondement philosophique de l’open source : ce qui est à moi est à toi, et vice versa. On a là un bel exemple de syncrétisme, entre la société communiste idéale et le goût de l’effort capitaliste. Peu importe, du moment que l’invention perpétuelle alimente la machine globale. Une fois de plus, tout le monde est supposé être le gagnant de ce jeu collaboratif. Afin d’éviter les dérives (déviances ?), des slogans édifiants sont rédigés à la coule – et au feutre – sur les tableaux :

« Traitez les gens avec respect… Faites un effort pour intégrer les nouveaux… Partagez, soutenez, aidez-vous les uns les autres… Célébrez, partagez joies et succès ensemble… Soyez solidaires… Saluez-vous et communiquez entre vous… Créez des liens avec d’autres équipes… Faites passer les informations sans relâche… Acceptez la pression, utilisez la pression de façon saine… »

C’est donc dans cet univers de Bisounours que se construit peu à peu l’empire Google : la « crème de la crème des universités mondiales » a le sentiment de participer à la plus grande aventure de l’histoire de l’humanité. En toute démocratie : les décisions stratégiques (la présence en Chine, les droits d’auteur) sont censées être débattues comme dans l’agora, car Google est une entreprise dotée d’une conscience. Mais surtout, on sait « rester cool malgré le succès », selon les mots du CEO himself. La « google-itude », ce serait Adam Smith revu et corrigé par Tarantino : une contre-culture branchée fondée sur la liberté, ayant digéré tous les codes de la société postidéologique. Le pari fou de sales gamins assez culottés pour défier Dieu en personne.

Don’t be evil: comment ringardiser Dieu en dix leçons

Oui, Dieu. En proposant plus qu’un slogan, plus qu’une devise. Un commandement, carrément. Stéphane Distinguin en reste bluffé : « Oser dire Don’t be evil est surprenant, démesuré. C’est une ambition de fou. » Et pourtant bien réelle. On a dit que la sentence Don’t be evil (« Ne soyez pas malfaisant ») avait été inventée pour moquer le Microsoft de Bill Gates, accusé par les autorités antitrust d’être « le mal ». Mais au-delà de sa genèse, la formule fait d’abord penser à la croisade de George W. Bush. « Axe du bien » contre « axe du mal », pas sûr que l’analogie plaise à ses concepteurs.

Et pour cause : ne pas être malfaisant signifie davantage que le simple rejet du camp adverse, à supposer qu’il existe dans la vision globale de ces citoyens sans frontières. Il s’agit bien au contraire d’une conception mégalomaniaque du grand dessein auquel se livrent Brin et Page : celui de concurrencer Dieu sur son propre terrain. Tel le roi Nemrod obsédé par la construction de sa tour pour atteindre le ciel, les deux compères ne se sont fixé aucune limite. Ils n’aspirent ni plus ni moins qu’à « changer le monde », le tout en jean-baskets. Le commandement premier Don’t be evil est ainsi accompagné de dix recommandations inscrites au frontispice du Googleplex . Elles dessinent le paysage d’un postcapitalisme mystique dans son idéologie (une nouvelle frontière pour l’humanité) et « tarantinesque » dans sa régurgitation démesurée des codes du passé (« adulescence », jeunes gens décérébrés et gavés de références).

Totalement décomplexés et, il faut bien le dire, un peu ridicules, les deux anciens potes de fac ? Oui. Mais malheur à qui ne les prendrait pas au sérieux. Il faut toujours prendre au sérieux ceux qui construisent des églises. Et qui y parviennent.

La suite de cet article est disponible ici.

Article publié dans le magazine Usbek & Rika, disponible à partir du 3 juin

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Crédit Photo Flickr CC : Manfrys.

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« L’objectif de Google n’est pas d’afficher l’information la plus pertinente » http://owni.fr/2010/03/10/%c2%ab-l%e2%80%99objectif-de-google-n%e2%80%99est-pas-d%e2%80%99afficher-l%e2%80%99information-la-plus-pertinente-%c2%bb/ http://owni.fr/2010/03/10/%c2%ab-l%e2%80%99objectif-de-google-n%e2%80%99est-pas-d%e2%80%99afficher-l%e2%80%99information-la-plus-pertinente-%c2%bb/#comments Wed, 10 Mar 2010 13:39:13 +0000 Solveig Godeluck http://owni.fr/?p=9749

google1

Renaud Chareyre revient dans une interview sur sa thèse développée dans son essai “Google Spleen” : derrière la légende “Don’t be Evil”, la firme cherche avant tout à faire du business, avec en prime le risque d’un super-monopole “digne d’une économie planifiée”.

Surprise ! Mon Ecran Radar s’ouvre à des contributions extérieures. Promis, juré, craché c’est bien plus l’envie d’offrir un espace Freestyle à d’autres journalistes/bloggeurs/Xperts qui motive cette décision qu’un mauvais prétexte pour ne pas vous livrer mon post hebdomadaire (Il arrive ce billet, il faut juste que je trouve le temps…et le bon sujet ;-) On commence donc ce nouvel exercice “open source” avec ma consoeur Solveig Godeluck, grande spécialiste de l’internet et des télécoms, qui signe ci-dessous une interview passionnante de Renaud Chareyre auteur de “Google Spleen”, chez Interactive Labs. Cet essai sans concessions s’emploie à démonter la légende “Don’t be Evil” servie par Google pour mettre à jour le véritable objet de LA FIRME : le Business avec un grand B…avec en prime le risque d’un super-monopole “digne d’une économie planifiée”.

INTERVIEW :  Renaud Chareyre, auteur de
« Google Spleen. La tentation de la désinformation »

Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre très critique sur Google  ?
J’ai créé il y a quelques années Woxxo, un site de mise en relation de prestataires pour des projets dans le domaine d’Internet, de l’informatique et de la communication. A partir de 2003, nous sommes devenus un gros consommateur d’Adwords, la régie publicitaire en ligne de Google. Pour mémoire, Adwords permet aux annonceurs de faire apparaître leur adresse Web en regard des résultats d’une recherche effectuée avec le moteur Google  : ce sont les fameux « liens sponsorisés », destinés à mieux cibler la publicité.  Au début, nous avons bénéficié d’un fort retour sur investissement. Le taux de conversion, c’est-à-dire le nombre d’internautes qui après avoir cliqué sur notre annonce décidaient d’utiliser notre service, était très élevé.  Puis à partir de 2005, l’efficacité commerciale de notre campagne sur Adwords s’est franchement dégradée. Nous avons essayé de comprendre ce qui se passait. Conclusion  : en toutes circonstances, c’est Google qui décide d’afficher ou non vos annonces, selon ses propres critères qui n’ont rien à voir avec ceux de ses clients.

Mais qu’est-ce qui vous permet de tirer de telles conclusions  ?
Alors que le marché de la mise en relation était en forte croissance, nos volumes baissaient. Nos statistiques étaient de plus en plus incohérentes : en 2003 nous avions une conversion par heure, en 2007 nous en avions deux par jour, quelles que soient nos actions marketing, le prix payé, le nombre de mots-clés achetés. Cela pouvait être une à 16h47, et l’autre à 16h48… puis plus rien de la journée. Autre bizarrerie  : les demandes déposées par les visiteurs issus d’Adwords n’émanaient quasiment plus que d’étudiants et de particuliers, au détriment des grands comptes et des PME. En fait, Google a peu d’intérêt à maintenir en haut de classement un annonceur capable d’apporter une solution immédiate au besoin de l’utilisateur. C’est logique, puisque son profit dépend du nombre de clics que va effectuer l’internaute avant d’identifier la réponse à ses attentes et donc d’interrompre sa session. La plupart des gens ignorent que l’objectif de Google, dont le chiffre d’affaires dépend à 95 % de la publicité, n’est pas d’afficher l’information la plus pertinente, mais de conduire l’internaute à multiplier les clics publicitaires.

Avec Adwords, les entreprises paient pour bénéficier d’un bon placement publicitaire. Elles
savent donc à quoi s’attendre  !

Pas du tout. Google a mis en place un système d’enchères pour acheter des mots-clés. En principe, plus vous paierez cher, plus vous serez visible. Mais personne ne connaît le prix payé par ses concurrents.  Et le fait d’être le mieux-disant ne garantit de toute façon ni le meilleur emplacement, ni l’affichage. Car selon le contrat qui s’applique aux clients Adwords, Google se réserve toutes les marges de manœuvre pour organiser le « ciblage » des annonces publicitaires, et donc la répartition de son audience entre les sites. Google se doit de donner de la satisfaction à chacun de ses annonceurs, en leur faisant trouver des prospects, et cela quelle que soit la qualité de leurs propositions. D’où la mise en place d’un microciblage des liens sponsorisés, que Google décide d’afficher, ou pas, sur l’écran de chaque internaute. Les résultats de recherche sont affinés en fonction d’une analyse comportementale à l’échelle de chaque utilisateurs. En donnant des gages à tout le monde, ce système est conçu pour induire une montée générale des mises sur Adwords. A mes yeux, il est loin de favoriser la compétitivité. Il est même digne d’une économie planifiée  !

Avez-vous tenté d’aller voir la concurrence  ?
Bien sûr. J’ai testé Yahoo et Microsoft, mais j’ai observé les mêmes dérives. Sur certains mots-clés, Microsoft me recommande d’enchérir à 25 euros par clic  : cela devient absurde !

Redoutez-vous l’expansionnisme de Google, qui construit des téléphones, opère des réseaux, crée son navigateur, etc.  ?
Google Earth, Google News… Beaucoup d’outils Google sont très séduisants. Le problème, c’est que ces programmes ingénieux sont financés par Adwords.  Or c’est un système fondé sur l’annulation des facteurs de compétitivité des opérateurs. La stratégie de Google consiste à multiplier les projets qui font rêver afin de détourner l’attention de sujets que met en danger le fonctionnement d’Adwords  : la juste rémunération de la compétitivité, le jeu de la concurrence, le respect de la vie privée.

Pourquoi Google menace-t-il de se retirer de Chine ?
Je suis prudent car je ne connais pas le fonds de l’affaire. Mais je constate que le business de Google consiste à contrôler et à organiser l’information sur Internet à des fins publicitaires. Dans un pays comme la Chine, avec un vrai historique de régulation de l’information, Google travaille sur le même terrain que le gouvernement. Pas sûr que les deux démarches soient compatibles. Le piratage des boîtes Gmail n’était qu’un prétexte à mon sens.  Et la défense de la liberté d’opinion a bon dos  : tout de même, Google n’a pas attendu quatre ans en Chine avant de se poser la question des droits de l’Homme !

Propos recueillis par Solveig Godeluck

Article initialement publié sur Mon écran radar

Photo de une Irish Typepad sur Flickr

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Google vs presse française : le clash a bien eu lieu http://owni.fr/2009/12/10/google-vs-presse-francaise-le-clash-a-bien-eu-lieu/ http://owni.fr/2009/12/10/google-vs-presse-francaise-le-clash-a-bien-eu-lieu/#comments Thu, 10 Dec 2009 14:07:17 +0000 Tatiana Kalouguine http://owni.fr/?p=6078

Le match s’est déroulé vendredi matin dans une minuscule salle obscure, au sous-sol de l’Espace Cardin à Paris. Visiblement ébranlé, Carlo d’Asaro Biondo, représentant de Google en Europe de l’Est et du Sud, a répondu aux attaques croisées de Nathalie Collin, présidente du directoire de Libération, et de Philippe Jannet, PDG du Monde Interactif. « Ca ressemble à un procès » a lâché un moment l’accusé, dans un accès de grande fatigue. Si ce n’était Mister Google, on aurait presque compati…

Round 1

Nathalie Collin amorce le débat sur le développement des outils mobiles de diffusion de la presse. Enthousiaste, Carlo d’Asaro se lance dans un éloge du Kindle:

« Lorsque je suis aux Etats-Unis, j‘achète les Echos du jour à 1,75 euro sur le Kindle, ce qui est un bon prix que je paie volontiers. » Il se fait immédiatement taper sur les doigts : « Il reste 30% pour Les Echos » rétorque Philippe Jannet, assis dans la salle au deuxième rang. « Dans les contrats de Kindle il ne reste que 30% à l’éditeur de contenu » , précise Nathalie Collin.

Défense d’Asaro: « Bon, alors c’est que le contrat de Kindle n’est pas bon… » Eclat de rire de la salle. Ca commençait mal…

(4:50)

On sait donc désormais que 80% du chiffre d’affaires de Google sont réalisés avec des entreprises de services (voyages, finance, distribution) et que la presse ne génère quant à elle que 1,5% à 3% de ce chiffre, selon les pays (3% à 5% des recherches sur le moteur). Ce qui n’est pas des plus réjouissant.

Round 2

Philippe Jannet, impatient, s’empare ensuite de la parole : « Comment expliquez-vous que l’Irep (Institut de recherches et d’Etudes publicitaires) estime entre 800 et 900 millions d’euros le chiffre d’affaires de Google en France sur la publicité, alors que la déclaration de Google France n’est que de 40 millions? Où sont passés les 760 millions? » D’Asaro botte en touche et aggrave son cas : « Google est une entreprise cotée aux USA, je n’ai pas le droit de vous parler des chiffres de Google en France. »

Jannet ne lâche pas : « Vous dites que vous avez changé la dimension du gâteau publicitaire mais Google prend quand même de 40 à 70% du gâteau. »

D’Asaro s’embarque dans une longue justification – où l’on apprend quand même que Google distribue chaque année 6 milliards de dollars à ses fournisseurs de contenus pour un chiffre d’affaires mondial de 21 milliards.

Peu convaincant et embrouillé, il finit par conclure par un : « Il ne suffit pas de taper sur Google pour changer le comportement des usagers » (qui ne refroidit nullement ses deux interlocuteurs)…

(5:11)


Round 3

« Le net ce n’est pas que des outils, c’est aussi des cerveaux, embraye Nathalie Collin. Quand vous utilisez nos contenus, ça a de la valeur. Je pense que la valeur intellectuelle aura toujours plus de valeur que le plus beau moteur de recherche du monde. »

Là, on met le doigt sur une plaie ouverte : « Google fournit du trafic, ce qui en soi à une énorme valeur (..) si notre trafic ne vous intéresse pas, vous n’avez qu’à ne pas y être. » Et toc !

(4:52)


Round 4

Philippe Jannet reprend un jeton pour jouer. Il dévoile au public ahuri le « deal » que propose aujourd’hui Google aux éditeurs de presse : enregistrer les traces et les profils des lecteurs pour ensuite réutiliser ces fichiers (dingue, non?).  « Je ne suis pas prêt à vous aider demain à vendre moins cher sur d’autres sites aux gens qui sont passés chez moi la publicité que moi je pourrai leur vendre » , s’insurge le PDG du Monde Interactif.

Au passage, Philippe Jannet accuse carrément la société Google d’organiser une « évasion fiscale » de grande envergure: « Si vous payiez des impôts sur les résultats réels de Google en France, vous ne pourriez pas pratiquer les mêmes tarifs publicitaires que ceux que vous pratiquez actuellement sur les Adwords. »

Cloué, d’Asaro a du mal à se remettre de cette attaque frontale : « Nous avons été contrôlés dans plusieurs pays. S’arroger en juge d’un système, ça c’est de l’arrogance. » Et ça, c’est du débat !

(3:51)


Round 5

Mais d’Asaro a lu jusqu’au bout le petit manuel du top manager qui garde son sang froid en toutes circonstances. Hors de question de se laisser entraîner sur le terrain glissant de la polémique. Vous êtes attaqué? Donnez raison à votre interlocuteur : « Nous sommes prêts à accepter que beaucoup de choses faites jusque là ne soient pas parfaites (…) Nous n’avons pas l’arrogance de penser que tout ce que nous faisons est juste (…) Google est de bonne foi par rapport à son mantra. »

Il ajoute même : « Oui je suis pêcheur, en tant que catholique, mais j’essaie de me corriger. » Priez pour la presse, Seigneur !

(5:46)

Et voici, en exclu du Dodo, l’interview à chaud de Nathalie Collin, encore toute secouée par ce « discours formaté » …

(1:57)

… et de Philippe Jannet, encore tout énervé de constater qu’encore une fois « Google ne nous écoute pas » …

(2:37)

Je vous laisse le soin de compter les points et de déclarer le vainqueur du match… Attention il y a un piège (les gagnants ne sont pas toujours ceux que l’on croit).

Cette conférence était organisée dans le cadre des Ateliers de la Presse par la Fédération nationale de la presse française.

» Article initialement publié sur La voix du Dodo ]]> http://owni.fr/2009/12/10/google-vs-presse-francaise-le-clash-a-bien-eu-lieu/feed/ 8